Page:Krudener - Valerie.djvu/124

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L’air et les paroles sont, je crois, de Rousseau ; il n’y avoit peut-être que moi qui ne connusse pas cette romance. Il me sembloit que Valérie recommençoit à se plaindre ; je continuai pourtant. J’arrivai au dernier couplet :

    Après neuf mois de mariage,
        Instans trop courts !
    Elle alloit me donner un gage
        De nos amours,
    Quand la Parque, qui tout ravage,
        Trancha ses jours.

Ma voix altérée ne put achever ; une sueur froide me rendit immobile : Valérie jeta un cri ; je voulus me lever, voler à elle, je retombai sur ma chaise, et je crus que j’allois perdre entièrement connoissance. Je me remis cependant assez pour courir à la porte de l’appartement de la comtesse. L’accoucheur sortit dans ce moment. « Au nom du Ciel ! dis-je en lui prenant la main et en tremblant de toutes mes forces, dites-moi s’il y a du danger. » Il leva les épaules, et me dit : « J’espère bien que non ; mais elle est si délicate qu’on ne peut en répondre, et elle souffrira beaucoup. » Il me sembloit que l’enfer et tous ses tourmens étoient dans ce mot j’espère. Pourquoi ne me disoit-il pas : « Non, il n’y a pas de danger. — Mais, vous-même, me dit-il, vous ne me paroissez pas bien. » Dans tout autre moment j’eusse pu être inquiet de son observation ; mais j’étois si mal-