Aller au contenu

Page:Krudener - Valerie.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’homme, et qui surent aimer fortement. Là, je crois voir encore le Tasse soupirant ses vers immortels et son ardent amour ; là, m’apparoit Pétrarque au milieu des voûtes sacrées qui virent naître sa longue tendresse pour Laure ; là, je crois entendre les sublimes accords du tendre et solitaire Pergolèse ; partout je crois voir le génie et l’amour, ces enfans du ciel, fuyant la multitude et cachant leurs bienfaits comme leurs innocentes joies. Ah ! si je n’ai pas été doté comme les fils du génie, si je ne puis charmer comme eux la postérité, au moins j’ai respiré comme eux quelque chose de cet enthousiasme, de ce sublime amour du beau, qui vaut peut-être mieux que la gloire elle-même.

Cependant, mon Ernest, ne crois pas que je m’abandonne sans réserve à mes rêveries. Quoique le comte soit un des hommes dont l’âme ait gardé le plus de jeunesse, si je puis m’exprimer ainsi, il m’en impose trop pour que je ne voile pas une partie de mon âme. Je cherche surtout à ne pas paroître extraordinaire à Valérie, qui, si jeune, si calme, me paroît comme un rayon matinal qui ne tombe que sur des fleurs et ne connoît que leur tranquille et douce végétation.

Je ne saurois mieux te peindre Valérie qu’en te nommant la jeune Ida, ta cousine. Elle lui ressemble beaucoup ; cependant elle a quelque chose de particulier que je n’ai encore vu à aucune femme. On peut avoir autant de grâce, beaucoup plus de beauté, et être loin d’elle. On ne l’admire peut-