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Page:Krudener - Valerie.djvu/54

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dînerons seuls ; Valérie préfère ne pas manger encore. » J’ai été fort étonné de ce caprice, et déjà j’avois cru m’apercevoir qu’elle avoit de l’inégalité dans le caractère. Nous nous sommes hâtés de finir le repas. Le comte m’a prié de faire prendre du fruit dans la voiture, croyant que cela feroit plaisir à sa femme. Je sortis du bourg, et je trouvai la comtesse avec Marie, jeune femme de chambre qui a été élevée avec elle, et qu’elle aime beaucoup ; elles étoient toutes deux auprès d’un bouquet d’arbres. Je m’avançai vers Valérie, et je lui offris du fruit, ne sachant trop que lui dire ; elle rougit, elle paroissoit avoir pleuré, et je sentois que je ne lui en voulois plus. Elle avoit quelque chose de si intéressant dans la figure, sa voix étoit si douce quand elle me remercia, que j’en fus très ému. « Vous aurez été étonné, me dit-elle avec une espèce de timidité, de ne pas m’avoir vue au dîner ? — Pas du tout », lui répondis-je, extrêmement embarrassé. Elle sourit. « Puisque nous devons être souvent ensemble, continua-t-elle, il est bon que vous vous accoutumiez à mes enfantillages. » Je ne savois que répondre : je lui offris mon bras pour s’en retourner, car elle s’étoit levée. « Êtes-vous incommodée, Madame ? lui dis-je enfin ; le comte le craignoit. — S’est-il informé où j’étois ? me demanda-t-elle précipitamment. — Je crois qu’il vous cherche, lui répondis-je. — Votre dîner a été cependant assez long. » Je l’assurai que nous avions été peu de temps à table. « Cela m’a paru fort