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Page:Krudener - Valerie.djvu/56

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marche précipitée ; elle s’appuyoit sur moi, s’arrêtoit, vouloit retourner sur ses pas ; enfin, elle souffroit horriblement. Je souffrois presque autant qu’elle ; je lui disois que sûrement nous trouverions le comte arrivé à la poste, qu’il auroit pris un chemin de traverse, et je le pensois. Malheureusement, on lui avoit parlé d’une bande de voleurs qui, quinze jours auparavant, avoient attaqué une voiture publique. Je sentois croître mon intérêt pour elle à mesure que son inquiétude augmentoit : j’osois la regarder, interroger ses traits ; notre position me le permettoit. Je voyois combien elle savoit aimer, et je sentois l’empire que doivent prendre sur d’autres âmes les âmes susceptibles de se passionner. J’éprouvois une espèce d’angoisse, que son angoisse me donnoit ; mon cœur battoit ; et en même temps, Ernest, j’éprouvois quelque chose de délicieux quand elle me regardoit avec une expression touchante, comme pour me remercier du soin que je prenois.

Nous arrivâmes à la poste ; le comte n’y étoit pas. Valérie se trouva mal ; elle eut une attaque de nerfs qui me fit frémir. Ses femmes couroient pour chercher du thé, de la fleur d’orange ; j’étois hors de moi. L’état de Valérie, l’absence du comte, un trouble inexprimable que je n’avois jamais senti, tout me faisoit perdre la tête. Je tenois les mains glacées de Valérie ; je la conjurois de se calmer : je lui dis, pour la tranquilliser, que tous les voyageurs alloient voir un château, très près du grand