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Page:Krudener - Valerie.djvu/59

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se passe au logis. Absurde prétention, de prendre pour sagesse ce qui vient de l’aridité du cœur !

Jamais Valérie ne me paroît plus aimable, plus touchante, que quand sa vivacité l’a emportée un instant et qu’elle cherche à racheter un tort. Et quel tort ! celui d’aimer comme on ne sait pas aimer dans le monde. Je l’observois l’autre jour, lorsqu’elle reçut une lettre de sa mère ; je la lisois avec elle en suivant sa physionomie. Et, quand après cela elle sera ou triste ou préoccupée, qu’elle ne saura pas, avec une étude parfaite de dissimulation, approuver tout ce qu’on lui propose, sourire à ce qui l’ennuie, appellera-t-on cela des caprices ? Et pourtant elle veut racheter comme des torts ces momens où elle ne peut appartenir qu’à l’idée qui domine son âme ! La meilleure des filles, la plus aimante des femmes voudroit être à la fois et profondément sensible, et toujours attentive à ne jamais contrarier les autres ! Et quand on me diroit : « Il y a des femmes plus parfaites », je répondrai : « Valérie n’a que seize ans. » Ah ! qu’elle ne change jamais ! qu’elle soit toujours cet être charmant que je n’avois vu jusqu’à présent que dans ma pensée !