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Page:Krudener - Valerie.djvu/61

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elle a souri ; et, en me regardant, elle me dit : « Savez-vous que cela vous ressemble beaucoup ? » J’ai rougi d’embarras, et puis j’ai pensé : « Ah ! si vous étiez mon Amélie ! » Mais soudain je me suis reproché ma pensée comme un crime, et c’en étoit bien un. Je me suis levé, je me suis enfui ; j’ai été m’enfoncer dans la forêt voisine, comme si j’avois pu m’éloigner de cette coupable pensée.

Après une course assez rapide, réfléchissant à ce que penseroit de moi Valérie, que j’avois quittée si ridiculement, je résolus de revenir à la maison et de lui demander pardon. Cherchant dans ma tête une excuse et n’en trouvant point, je cueillois en chemin des marguerites pour les lui apporter, et je me mis, sans y penser, à les interroger en les effeuillant, comme nous avions fait tant de fois dans notre enfance. Je me disois : « Comment suis-je aimé de Valérie ? « J’arrachois les feuilles l’une après l’autre jusqu’à la dernière ; elle dit : Pas du tout. Le croirois-tu ? cela m’affligea.

J’ai voulu aussi savoir comment j’aimois Valérie. Ah ! je le savois bien ; mais je fus effrayé de trouver, au lieu de beaucoup : passionnément ; cela m’épouvanta. Ernest, je crois que j’ai pâli. J’ai voulu recommencer, et encore une fois la feuille a dit : Passionnément. Mon ami, étoit-ce ma conscience qui donnoit une voix à cette feuille ? Ma conscience sauroit-elle déjà ce que j’ignore moi-même, ce que je veux ignorer toute ma vie ? Ce que tu ne croirois jamais si on te le disoit, toi qui me connois si