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Page:Krudener - Valerie.djvu/92

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Ernest, plus que jamais j’ai besoin de ton indulgence. Je relis tes lettres, j’entends ta voix me rappeler à la vertu, et je suis le plus foible des hommes.




LETTRE XVIII

Venise, le…

T’écrire, te dire tout, c’est revivre dans chaque instant de la nouvelle existence qu’elle m’a créée. Garde bien mes lettres, Ernest, je t’en conjure ; un jour peut-être, au bord de nos solitaires étangs, ou sur nos froids rochers, nous les relirons, si toutefois ton ami se sauve du naufrage qui le menace, si l’amour ne le consume, comme le soleil dévore ici la plante qui brilla un matin. Hier encore, une chose assez simple en elle-même me montra sa confiance. Tout fortifie sa naissante amitié, tout alimente ma dévorante passion : elle met entre nous deux son innocence, et l’univers reste pour elle comme il est, tandis que tout est changé pour moi.

Depuis longtemps l’ambassadeur d’Espagne lui avoit promis un bal ; cette réunion devoit être des plus brillantes par la quantité d’étrangers qui sont à Venise, car les nobles vénitiens ne peuvent fréquenter les maisons des ambassadeurs. Valérie s’en faisoit une fête. À huit heures du soir j’en-