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Page:Krysinska - Intermèdes, 1903.djvu/23

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Quelle pénurie de pensées neuves exprimées nettement ! Quelles singulières applications du langage métré à des usages où il n’a que faire ! Naturalisme versifié, pièces en cinq actes d’inécoutables alexandrins, philosophages, parler-pour-ne-rien-dire, astronomie, géographie, informations surabondantes sur l’état passionnel du signataire — considéré a priori comme l’objet le plus intéressant du monde — bulletins multiples sur ses rapports avec sa bonne amie.

Délayages de trois ou quatre misérables idées en trois ou quatre millions de pieds alignés à l’ordonnance, lieux communs, spécialement dédiés à la collaboration musicale, compilation du dictionnaire des rimes ; et comme pathologie poétique : pénible halètement, inversions inacceptables, ronronnage monotone, balançoire et métronome, hoquets strangulant l’infortuné qui a le col pris dans une garrotte et tous ses pieds dans un engrenage arithmétique.

Aussi, voit-on une avalanche de médiocres auteurs en vers s’embarrassant dans des superfluités que motive le métrage obligatoire, sombrant dans le galimatias — grâce à des difficultés mal vaincues — parlant petit nègre, réduits à cette extrémité par la tyrannie de la rime, la suzeraineté de la césure, et les intransigeances de la consonne d’appui.

M. Moréas, lui-même, écrivait en virtuoses alexandrins : Viandes de Gargotte et l’Omnibus de la Villette, ce qui nous avait induite — en cet heureux temps où les sottes espiègleries étaient de notre âge — à surnommer ce grec-parisien Parthénon-Courcelles.

Cependant, musicienne, nous tentions, avec le moyen littéraire de traduire telle impression musicale, avec son caprice rythmique, avec son désordre parfois usant des ressources prosodiques comme d’ornementations et de parures librement