Page:Krysinska - Rythmes pittoresques, 1890.djvu/10

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qu’on introduise du vivant, qu’on renouvelle le stock des images et des métaphores, qu’on suive le mouvement progressif de la prose, qu’on craigne la mort orientale par l’excès d’entités, la stagnation chinoise dans l’allégorie ; que la poésie ne soit pas seulement le refuge des microcéphalies routinières, des chloroses et des infirmités, qu’elle ne se borne pas à des pessimistes d’avorton, à des anarchies exsangues de menteurs, à des prophéties et à des systèmes de tireuses de cartes de quartier populaire ; qu’elle ne recule pas devant la seule œuvre digne des puissants qui est de comprendre et de rendre l’extraordinaire époque où nous vivons, d’en accepter les problèmes ardus, l’admirable analyse scientifique et philosophique, sous peine de voir périr la prosodie jusqu’à l’heure où les prosateurs en auront lentement créé une nouvelle. « Je veux une prosodie rythmée », dit Flaubert. Et il ne le dit pas en vain. La « Tentation » est un poème et aussi « Salambô ». Qui relèvera le gant ? Quelle grande âme euphonique viendra clore le cabotage des instrumentations craintives, et, en robuste navigateur, tendra sa voile au vent du large ?

J. H. Rosny.