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attendaient du développement de l’opéra la réalisation d’une pièce dramatique qui n’offrirait pas les insuffisances du drame parlé pour exprimer toutes les subtilités du sentiment, et qui, d’autre part, aurait une donnée poétique plus élevée et plus profonde que celle sur laquelle, jusqu’alors, on échafaudait la musique des opéras. Ils rêvaient tous deux d’une œuvre d’art où ces deux modes d’expression réunis tireraient de leur absolue pénétration réciproque la faculté d’exprimer, de la façon la plus complète, la substance même des actions humaines.

C’était là une vue très juste et très profonde, fondée sur la véritable compréhension du singulier pouvoir de suggestion de la musique.

La musique, en effet, peut révéler et traduire des sentiments qu’aucune parole humaine, qu’aucun geste, qu’aucun acte ne sauraient traduire avec une égale intensité. Schopenhauer, dans sa théorie de l’art, a jeté sur ce point la lumière la plus vive et formulé des vues qui me semblent avoir définitivement épuisé la matière.