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serons pour ainsi dire consolés et nous retrouverons l’équilibre perdu de notre Moi.

On connaît la touchante anecdote qui nous montre Beethoven rendant visite à une amie qu’il n’avait plus rencontrée depuis quelque temps et qui, dans l’intervalle, avait été frappée d’un deuil cruel. En face l’un de l’autre, tous deux s’étaient tus, ne trouvant pas une parole pour traduire leur commune émotion. Alors, Beethoven s’assit au piano et joua quelques mesures d’un de ses adagios. Des larmes humectèrent ses yeux et l’amie pleura. L’un et l’autre, ils s’étaient dit ainsi ce qu’ils avaient à se dire, et ils s’étaient compris. Grâce au pouvoir magique des sons, leurs âmes s’étaient un moment confondues dans l’étreinte d’un même sentiment de sympathie profonde.

Ce pouvoir étrange de la musique d’éveiller notre sensibilité dans ce qu’elle a de plus secret et de plus intime, explique le prodigieux effet que l’intervention de la musique ajoute à tous les actes de la vie auxquels il nous plaît de l’associer. Deuil public ou intime, joie individuelle