Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/106

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çant le nom de son amant et en caressant la lettre qu’il lui avait envoyée. Alors l’amour, toujours inexorable pour ses victimes, lui donna un de ces rêves entremêlés de jouissance et de douleur, un de ces rêves qui, en se formant dans une imagination aussi vaste et aussi exaltée que celle d’Helmina, semblent laisser dans l’esprit les traces d’une réalité effrayante.

Helmina se crut transportée sur les bords d’une charmante petite rivière où elle soupirait tendrement la mélodie ordinaire des amants. Puis tout à coup, ayant porté les yeux sur la rive opposée, elle aperçut Stéphane qui l’appelait et lui tendait les bras. Et elle lui montrait de sa main l’abîme qui les séparait. Alors elle vit Stéphane se précipiter dans les ondes, lutter contre le courant des rapides et venir enfin se reposer à ses genoux…

Mais tout à coup un nuage noir se forma un peu plus haut que la cime des sapins, s’abaissa lentement sur le rivage, s’élança avec rapidité sur la surface de l’eau et vint planer sur les deux amants.

— L’orage, disait Helmina, mon Dieu, déjà l’orage !

Puis elle crut entendre une voix qui partait du nuage et qui lui répéta :

— L’orage, Helmina, gare à toi !

Et Stéphane s’écria :

— Ne crains rien, Helmina, il n’y a jamais d’orage pour les amants !…

Aussitôt le nuage descendit entre eux deux, se dissipa, et un homme parut.

Et il se jeta sur Stéphane, et Helmina vit tomber son amant ; elle voulut le relever.

— Arrête, lui dit le monstre, arrête, jeune fille…

Elle reconnut son père.

Et maître Jacques l’accabla de menaces et d’injures ; et elle se sentit tout à coup enlever du rivage et transporter dans un noir cachot ; puis un éclair jaillit, elle crut que c’était une arme à feu ; elle s’éveilla en sursaut, et le roulement du tonnerre qu’elle entendit en même temps contribua à la