Page:L'Épée-Bébian.- Art d'enseigner aux sourds-muets, 1820.djvu/47

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langues nous le fait négliger. Mais nous en portons tous le principe en nous-mêmes ; et il ne faut qu’un peu d’exercice pour le développer, et nous en rendre l’usage aussi familier que celui de la parole. La pensée tend toujours à s’épancher, comme la lumière et la chaleur ; il ne faut, pour ainsi dire, que se laisser aller à l’impulsion de la nature, pour exprimer au dehors tout ce qui se passe au dedans de nous. Il y a une foule de signes expressifs que nous faisons sans y penser. Quel voyageur a jamais péri dans une terre étrangère, faute de savoir demander des alimens pour apaiser sa faim, un lit pour reposer sa tête ? Ce langage est aussi beau qu’il est facile ; le geste rend toutes les passions avec une énergie supérieure à celle de l’éloquence même ; aucune langue n’est aussi propre à porter dans l’âme de fortes et de profondes émotions. Ce langage est l’âme des beaux-arts ; c’est par lui que l’artiste fait respirer et la toile et le marbre ; c’est du langage

    de l’usage qu’on en fait. Toutes les actions peuvent se peindre par l’imitation. Le geste exprime l’action que produit sur nous tout ce qui nous entoure ; la physionomie, l’impression que nous en recevons. L’un et l’autre, s’éclairant mutuellement, rendent sensibles aux yeux jusqu’aux nuances les plus délicates de la pensée.