Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/102

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Cette résolution enfin prise, il donna ordre au cocher de se rendre au bureau des annonces ; et tout le long du chemin il ne cessait de le bourrer de coups dans le dos en disant :

– Vite, misérable, vite, coquin !

– Eh ! maître ! répondait le cocher en secouant la tête et en cinglant des rênes son cheval aux poils longs comme ceux d’un épagneul.

Enfin le fiacre s’arrêta et Kovaliov, essoufflé, entra en courant dans une petite pièce où un fonctionnaire à cheveux blancs, vêtu d’un habit râpé, des lunettes sur son nez, était assis devant une table, une plume à la bouche, et comptait la monnaie de cuivre qu’on venait de lui apporter.

– Qui est-ce qui reçoit ici les annonces ? s’écria Kovaliov. Ah ! c’est vous, bonjour.

– Tous mes respects, répondit le fonctionnaire à cheveux blancs, levant les yeux pour un moment et les abaissant de nouveau sur les tas de monnaie placés devant lui.

– Je voudrais faire publier…

– Permettez, veuillez patienter un moment, fit le fonctionnaire, en traçant d’une main des chiffres sur le papier et en déplaçant de l’autre deux boules sur l’abaque.

Un laquais galonné, dont l’extérieur indiquait qu’il servait dans une grande maison aristocratique, se tenait près de la table, un billet à la main et, jugeant à propos de faire preuve de sociabilité, exposait ainsi ses idées :

– Le croiriez-vous, monsieur, ce petit chien-là ne vaut pas au fond quatre-vingts kopecks, et quant à moi, je n’en donnerais même pas huit liards ; mais la comtesse l’aime, ma foi ; elle