Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/289

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ns : ils m’ont caché à la vue des nôtres, voilà pourquoi on ne m’a pas découvert.

Je sens les racines de mes cheveux se dresser sur ma tête.

Cependant comment me retrouvé-je dans les buissons, s’ils ont tiré sur moi dans le petit pré ? Blessé, j’ai dû ramper jusqu’ici sans en avoir conscience, à cause de la douleur. Seulement il est étrange que je ne puisse plus remuer maintenant, tandis qu’alors j’ai pu me traîner jusqu’à ces buissons ! Peut-être n’avais-je à ce moment-là qu’une blessure, et qu’une deuxième balle est venue m’achever ici.

Des taches d’un blanc rosâtre commencent à tourner rapidement autour de moi. La grande étoile a pâli, plusieurs des petites ont disparu. C’est la lune qui se lève. — Comme on est bien maintenant à la maison !...

Des bruits singuliers arrivent jusqu’à moi... Comme si quelqu’un gémissait. Oui, c’est un gémissement. Serait-ce encore un oublié qui est couché à côté de moi, les jambes brisées ou une balle dans le ventre ? — Non, les gémissements sont si proches, et cependant, il me semble qu’il n’y a personne à côté de moi... Mon Dieu, mais c’est moi-même ! Ce sont des gémissements si faibles et si plaintifs !... Cela me fait-il donc réellement si mal ? Sans doute que oui. Seulement je ne comprends pas cette douleur, parce que j’ai dans la tête du brouillard, du plomb... Mieux vaut me coucher de nouveau, et m’endormir... Mais est-il bien sûr que je me réveillerai ? Il n’importe.

Au moment où je vais me coucher, une large bande pâle de lumière lunaire éclaire nettement la place où je suis couché, et je