Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/297

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arrivent et se mettent à enlever la peau de mes jambes blessées ? — Il vaut mieux que j’en finisse moi-même...

Non, il ne faut pas perdre courage ; je lutterai jusqu’à la fin, jusqu’à mes dernières forces. Car si l’on me trouve, je suis sauvé. Peut-être mes os ne sont-ils pas touchés ; on me guérira. Je reverrai mon pays, ma mère, Macha...

Bon Dieu, fais qu’elles ne sachent jamais toute la vérité ! Qu’elles pensent que j’ai été tué raide. Que deviendront-elles, lorsqu’elles auront appris que j’ai agonisé pendant deux, trois, quatre jours !

La tête me tourne ; l’effort de ramper jusqu’à mon voisin m’a définitivement épuisé. Et, par-dessus le marché, cette horrible odeur ! Comme il

no match

est devenu noir !... Comment sera-t-il demain ou après demain ? Je ne reste maintenant ici que parce que je n’ai pas assez de forces pour m’éloigner. Je me reposerai et je ramperai jusqu’à mon ancienne place ; le vent vient justement de là-bas, il emportera loin de moi l’odeur repoussante.

Je suis couché dans un état d’épuisement complet. Le soleil me brûle le visage et les mains. Je n’ai rien pour me couvrir. Si la nuit arrivait enfin : ce sera, il me semble, la deuxième.

Mes idées s’embrouillent et je m’endors.


... J’ai dormi longtemps, car, lorsque je me suis réveillé, il faisait déjà nuit. Tout est comme avant : mes blessures me font souffrir, mon voisin est toujours aussi énorme et immobile.

Je ne peux m’empêcher de penser à lui. Ai-j