Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/41

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place il agirait tout autrement… Je crois même qu’Hermann a aussi des intentions sur vous.

— Mais où m’a-t-il vue ?

— À l’église, peut-être, ou à la promenade ! Dieu le sait ! Et peut-être dans votre chambre, pendant votre sommeil ; avec lui, on peut s’attendre à tout.

En ce moment, trois bârinias, s’avançant vers eux avec cette question : « Oubli ou refus[1] ? » interrompirent une conversation d’un intérêt poignant pour Lisaveta Ivanovna.

La bârinia choisie par Tomsky était justement la princesse Pauline***.

En quelques tours de danse, elle réussit à se disculper auprès de lui, et Tomsky, en arrivant à sa place, ne pensait déjà plus à Hermann ni à Lisaveta Ivanovna. Celle-ci eut bien voulu reprendre l’entretien interrompu, mais la mazourka finissait et bientôt la vieille comtesse se retirait.

Les paroles de Tomsky n’avaient été qu’un bavardage de mazourka ; niais elles se gravèrent dans l’âme de la jeune rêveuse. Le portrait crayonné à la hâte par le jeune homme, s’accordait avec l’image qu’elle s’était tracée elle-même d’Hermann et, grâce aux romans modernes, cette figure vulgaire terrifiait et fascinait son imagination. Elle était assise, les bras nus en croix, la tête, encore parée de fleurs, inclinée sur sa poitrine…

Tout à coup la porte s’ouvrit, et Hermann entra. Elle se mit à frissonner.

  1. En français dans le texte.