Page:L'âme russe, contes choisis, trad Golschmann et Jaubert, 1896.djvu/95

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Le major Kovaliov portait une grande quantité de petits cachets sur lesquels étaient gravés des armoiries, les jours de la semaine, etc. Il était venu de Saint-Pétersbourg pour affaires, et notamment pour chercher un emploi qui convînt à son rang : celui de gouverneur, s’il se pouvait, sinon, celui d’huissier dans quelque administration en vue. Le major Kovaliov n’aurait pas refusé non plus de se marier, mais dans le cas seulement où la fiancée lui apporterait 200 000 roubles de dot. Que le lecteur juge donc par lui-même quelle devait être la situation de ce major, lorsqu’il aperçut, à la place d’un nez assez bien conformé, une étendue d’une platitude désespérante.

Pour comble de malheur, pas un seul fiacre ne se montrait dans la rue et il se trouva obligé d’aller à pied, en s’emmitouflant dans son manteau et, le mouchoir sur sa figure, faisant semblant de saigner du nez.

« Mais peut-être tout cela n’est-il que le fait de mon imagination ; il n’est pas possible qu’un nez disparaisse ainsi sottement », pensa-t-il.

Et il entra exprès dans une pâtisserie, rien que pour se regarder dans une glace. Heureusement pour lui, il n’y avait pas de clients dans la boutique ; seuls, des marmitons balayaient les pièces ; d’autres, les yeux ensommeillés, apportaient sur des plats des gâteaux tout chauds ; sur les tables et les chaises traînaient les journaux de la veille.

– Dieu merci, il n’y a personne, se dit-il, je puis me regarder maintenant.

Il s’approcha timidement de la glace et y jeta un coup d’œil.