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qui a osé lui refuser la position vacante d’agent d’immigration en France. On trouve encore ici l’ambition et l’orgueil blessés autour du berceau de nationalisme.

Voilà pour l’origine du nouveau parti. Maintenant, voyons-en le but.

Nous sommes loin de prétendre que le nationalisme soit une utopie, mais ce « patriotisme exclusif » ou cette « préférence déterminée pour ce qui est propre à la nation à laquelle on appartient » ne doit trouver sa raison d’être et son application que lorsque les conditions politiques, économiques ou sociales, exceptionnelles et particulières dans certains pays, motivent son existence. Le parti nationaliste est rendu légitime et même nécessaire là où il soutient la cause d’une nationalité injustement traitée ou assujettie à une tyrannie cruelle, comme en Irlande où le peuple revendique des droits incontestables et en Pologne où la nation gémit et s’étiole sous la férule d’un autocrate. Mais, au Canada, y a-t-il une raison, une cause qui justifie la formation d’un semblable parti ? Nous le demandons à tous les hommes bien pensants qui n’ont pas l’intelligence obscurcie ou avilie par des mesquines passions, et, tous, certainement, répondront négativement. L’unité de race n’est pas une condition de l’existence de la patrie, et l’histoire nous en donne une preuve en nous montrant les peuples d’origine différente de l’ancienne Gaule, s’amalgamant, s’unissant et se fusionnant pour former le plus beau et le plus patriotique pays, la France. Mais un peuple est une communauté qui, ne doit avoir qu’une âme, une volonté commune et doit être inviolablement uni dans une même solidarité.

Voici des paroles remarquables de Ch. Lévèque : « la vie d’un pays est l’union des esprits, des cœurs, des courages et des vertus ». Un pays divisé est une proie toute prête pour qui veut la dévorer. Or, à quoi tend le nationalisme, quel but poursuit-il, si ce n’est à diviser le peuple canadien en prêchant une doctrine absolument propre à flatter les préjugés et à soulever les passions populaires d’une race en particulier, au grand détriment de l’intérêt général et de la paix dans ce pays. Qu’on lise les discours que les nationalistes ont prononcés lors de l’élection de Drummond et d’Arthabaska et l’on se convaincra facilement de cette profonde vérité. Le nationalisme ici, né accidentellement de l’ambition et de l’orgueil, revêt un caractère qui le condamne et il perd entièrement la noblesse et la grandeur que lui donne ailleurs la raison même de son existence.

C’est exclusivement sur la province de Québec, remarquons-la, que le souffle délétère du nationalisme a passé et c’est uniquement dans cette province que l’on cherche à répandre par tous les moyens possibles, cette doctrine subversive. Pourquoi ? Parce que l’on sait très bien que le piédestal du parti libéral est la province de Québec, et que l’on est convaincu qu’en se couvrant du masque du patriotisme et de l’intérêt que l’on porte au peuple et en se servant du mensonge, on pourrait amoindrir le prestige et l’influence de Sir Wilfrid, et enlever la confiance que ses concitoyens ont en son intégrité et en cette haute conception qu’il a de la politique, qualités qui lui ont donné une réputation presque mondiale, et qui lui ont acquis une influence incontestée sur les destinées du Canada et de l’Empire même. C’est à ce colosse que s’attaquent les pygmées du nationalisme, avec un cynisme d’expressions qui donne des haut le cœur. Le langage dont se servent ces messieurs en parlant de ceux qui sont revêtue de l’autorité, nous donne une piètre idée de l’instruction morale et chrétienne qu’ils ont reçue. Eux qui cherchent hypocritement à se créer des alliés parmi le clergé, devraient demander à ce dernier de leur enseigner à nouveau le petit catéchisme qui nous dit que toute autorité vient de Dieu, et mérite par conséquent un respect absolu. Comment peut-on expliquer cette tolérance de la part d’un certain clergé qui se laisse aveugler par l’encens que lui prodiguent M. Bourassa et ses lieutenants, et qui ne trouve pas un mot de protestation ou de blâme, quand ces braves nationalistes traînent dans la boue et l’ordure, les plus hautes personnifications de l’autorité civile de ce pays ? C’est surtout au clergé éducateur de la jeunesse que s’adresse cette question. C’est une doctrine anti-chrétienne et anti-civilisatrice que l’on approuve tacitement et que l’on admire et applaudit même dans certains quartiers, et qui produira ses conséquences.

L’autorité religieuse, égale aux yeux de Dieu à l’autorité civile, puisque toutes deux émanent de Lui, aura peut-être un jour à défendre son inviolabilité, sa grandeur et sa nécessité absolue, contre des hordes effrénées qu’ameuteront contre elle ceux qui, dans leur jeunesse, auront appris sur les bancs d’un collège à mépriser, à vilipender et à traîner dans la fange sa sœur, l’autorité civile. Quelle responsabilité pèsera sur la conscience de ceux qui, faisant fi des sublimes enseignements de la religion, induisent, par leur exemple, notre jeunesse sous leur contrôle, à déverser sur les hommes au pouvoir, l’injure et l’outrage, et à admirer la conduite des nationalistes, qui, faute d’arguments, bavent sur les réputations les plus brillantes, s’acharnant à détruire le prestige, le respect et la confiance qui doivent entourer l’autorité. Tout cela pour satisfaire une mesquine partisanerie politique. C’est du cœur et d’une âme profondément convaincue du mal que