Page:L'œil ouvert ! - Bourassa et l'Anti-Laurierisme, 1911.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

re. Un homme ordinaire, tant soit peu au courant de ce qui se passe, n’aurait jamais osé écrire de pareilles choses ; mais quand on est le Nabuchodonosor de la tribu nationaliste, on ne se gêne pas pour si peu. Dans ce cafard, il y a un petit Voltaire qui croit bien qu’il trouvera toujours quelqu’un pour ajouter foi à ses mensonges éhontés.

La vérité est que Sir Wilfrid Laurier mène l’existence la plus simple possible compatible avec la haute position qu’il occupe. Sa maison, où il n’affiche pas un luxe insolent (quoi qu’en puisse dire le directeur du « Devoir » ) est ouverte à tout le monde ; si l’hospitalité qu’y offrent Sir Wilfrid et Lady Laurier est large, elle est surtout cordiale. Le premier ministre a des émoluments respectables, en rapport avec sa situation : c’est le pays qui les lui a votés. Il en consacre une part notable à faire instruire de jeunes Canadiens et Canadiennes de talent — ce qui est aussi noble et généreux que de gaspiller en folles spéculations une fortune qui appartient à d’autres. Et quelques intimes seulement savent combien de souffrances lui et sa digne compagne ont soulagées et soulagent encore tous les jours, combien d’orphelins ils ont tiré de la misère, arrachés à la rue, pour en faire de bons citoyens.

Voilà l’homme en qui M. Bourassa veut nous montrer un jouisseur, un homme attaché uniquement à « sa gloire » et à « son avantage ». Et c’est de sang-froid, avec la pleine conscience de leur odieuse fausseté, que M. Bourassa écrit de pareilles abominations. On pourrait les pardonner à un écrivailleur quelconque chargé d’une besogne quelconque dans un journal comme l’“Eye Opener”, voire même du « Devoir » ; mais venant d’un chef de parti, d’un homme qui pose en sauveur de sa race et se prétend gentilhomme, elles étonnent.

Nous ne songeons pas à plaindre Sir Wilfrid, pas plus qu’il ne songe à s’en plaindre lui-même, des attaques dirigées contre lui. Le premier ministre est assez grand pour que de pareilles infamies ne puissent l’atteindre.

Nous pouvons cependant dire ceci à M. Bourassa et à ses seïdes : Le nom de Sir Wilfrid Laurier passera dans l’histoire comme celui d’un citoyen intègre, d’un patriote éclairé, d’un homme d’État éminent. Son souvenir vivra parmi ses compatriotes, Canadiens-anglais comme Canadiens-français, et sa mémoire, dans un demi-siècle et plus, sera respectée comme son nom est respecté aujourd’hui par tous ceux que n’aveuglent pas un esprit de parti intransigeant et une basse jalousie.

On n’en saurait dire autant de M. Bourassa.

SAINT-DENIS.


L’ATAVISME DE M. BOURASSA.


Les fervents du nationalisme grimacier dont M. Bourassa est le prophète ne manquent jamais de hisser le petit-fils sur le socle de l’aïeul. Ils nous forcent, par ce procédé, à établir quelques comparaisons, à faire certaines constatation.

Le Papineau d’avant 1837, symbolise toutes les aspirations, toutes les énergies nationales. L’âme canadienne vibre aux échos de sa puissante parole. Il est le grand justicier de ces fils de paysans, de coureurs de bois, qui au lendemain de la Cession, voulant conserver leur langue, leur foi, leurs coutumes, résistent bravement au vainqueur qui tente de leur ravir ce patrimoine sacré.

Comme O’Connell et Kossuth, Papineau, à ce moment suprême, est le chef incontesté de sa race, de sa race décidée à vaincre et à vivre. Quiconque a vu le tableau d’Alexander, « L’ASSEMBLÉE DES SIX COMTÉS » d’où se détache, rayonnante et belle, au milieu des patriotes, la figure inspirée de Papineau, ne peut s’empêcher de dire : « Cet homme incarne la nation. Cette voix prie, pleure et chante pour la patrie ! »

Combien différent est le Papineau d’après 1837 !

Et d’abord, à St-Denis, que ne s’obstinait-il à faire face aux balles anglaises ? C’était, disons-le en toute justice, sa volonté, sa détermination plusieurs fois exprimée. Wolfred Nelson commandait ce jour-là, (23 novembre 1837), les PATRIOTES, et c’est lui qui ordonna à M. Papineau de partir. « Celui-ci répondit qu’il aurait peut-être pu s’éloigner la veille, mais qu’à ce moment-là, il ne lui était plus loisible de le faire ; que son départ jetterait du découragement parmi les patriotes et que les abandonner à l’heure décisive du danger, c’était s’exposer plus tard peut-être, à des reproches sévères ».

Ces reproches sévères qu’appréhendait M. Papineau, l’histoire doit sans doute les mitiger, si l’on tient compte de la vaillance et du talent du tribun à servir ses concitoyens à cette période troublée et confuse où ils réclamaient au nom des traités de la Constitution, la liberté.

Mais la mort à St-Denis, avec les humbles et pauvres habitants qui, aux appels du tribun, s’étaient transformés en héros ; la mort à St-Denis, quel dénouement superbe dans la vie de Papineau ! Et quel apothéose ! Il eut la faiblesse de céder aux sommations fort injudicieuses de Nelson — et voilà comment et pourquoi la carrière de M. Papineau se divise désormais en deux périodes : la première, glorieuse et féconde ; la deuxième, inglorieuse et inféconde.

Et quand les forcenés du nationalisme