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toute la fermeté du président pour résister à la pression des antiféministes qui, dans leur désir d’en finir vite, ne voulaient pas que la tradition fût respectée.

Deux suffragettes soutinrent l’amendement : Miss Froud, en termes modérés et éloquents, fit appel à la bonne volonté masculine pour faire l’éducation corporative des institutrices. Miss Hewitt donna à entendre que l’intransigeance des hommes pourrait être la cause d’une scission entre les deux sexes au sein de l’Association.

Sur la demande des féministes, et mal- gré leurs adversaires qui se livraient à de nouvelles tentatives pour empêcher le pré- sident d’observer les résolutions du règle- ment intérieur, on procéda au vote écrit.

Les suffragistes étaient satisfaites : le ré- sultat ne pouvant être connu avant la clô- ture du Congrès, la question reste pendante et pourra être reprise en 1915.

Conclusion

En somme, au grand dam dés antifémi- nistes, qui avaient créé dès le début du Congrès une atmosphère de suspicion et d’hostilité contre les suffragettes en escomp- tant des violences probables, ce fut dans le plus grand calme que nos camarades anglaises purent exposer leurs revendica- tions et forcer, par la dignité de leur atti- tude, l’estime, que" leurs adversaires s’étaient préparés à leur refuser. Il n’en ressort, pas moins que les hommes, poussés par un bas sentiment d’égoïsme, oublient trop facile- ment le concours matériel et moral que ne cessent de.leur dispenser largement leurs collègues femmes, mais bien qu’ils aient été menacés d’une scission des sexes au sein de la Fédération, il n’est pas à prévoir que celle-réi se, produise, attendu que les femr mes, bien qu’étant majorité, n’ont pas en- core une conscience suffisante de leur force corporative pour se faire représenter par ,.des défenseurs de leurs droits.

Il est à prévoir,-au contraire, que, bien avant qu’une scission puisse se pro,duire, les instituteurs anglais, se rendant compte de leur injustice, abandonneront leur atti- tude intransigeante et que se trouvera réa- lisée définitivement l’union, féconde des deux sexes.qui assurera à jamais- la prospérité de l’enseignement populaire dans le Royaume- Uni.

Ei)fai)ts coupables

Mme Suzanne Grunberg, avocate à la Cour d’appel de Paris, dans une étude sur les « Enfants coupables », adressée au Co- mité antialcoolique L’Alarme rapporte ce qui suit: « Que fait ton père ? disait un jour le président de la 8" Chambre correctionnel- le, à Paris, à un gamin de 14 ans, inculpé de vol au préjudice de son patron. — Papa, répondit l’enfant, il me bat, et il bat maman. — Alors, il boit, ton père ?…— Oui, mon- sieur, et c’est pourquoi je suis là. » . C’était la vérité. Maltraité odieusement et injustement par le père, alcoolique invétéré, c^garçpni avait volé quelque argent à son •"’.patron’"’ pour trouver une chambre la nuit venue et ne pas rentrer chez lui où les bru- talités qui l’avaient fait souffrir et pleurer le révoltaient maintenant. » Ce petit voleur était donc une victime de l’alcoolisme ; un grand nombre de dégénérés sont dans le même cas, soit qu’ils aient hérité des tares paternelles, soit que fuyant l’enfer familial, ils se trouvent exposés aux tentations de la rue ou aux dangers des mauvaises compa- gnies.

En 1880, il y avait, en France, 25.000 en- fants traduits en justice ; en 1910, on en compte plus de 37.000. Rappelons qu?en 1880, le nombre des débits était de 380.000 et qu’en 1910, il atteint 507.000, dont 30.000 à Paris seulement. La comparaison de ces deux statistiques, sans autre raison, légiti- merait la guerre impitoyable que nous me- nons contre le cabaret corrupteur d’enfants. Nous ne voudrions cependant pas générali- ser et mettre sur le compte de l’hérédité alcoolique les 37.000 enfants traduits en jus- tice en 1910 ; Mme Suzanne Grunberg, d’ac- cord avec tous ceux qui se sont occupés de l’enfance criminelle, estime que la propor- tion des dégénérés du fait de l’alcoolisme, est de 7 sur 10, c’est déjà effrayant. Ne nous contentons pas de nous lamenter, deman- dons à grands cris aux nouveaux législateurs de prendre d’urgence le’s mesures nécessai- res contre l’alcoolisme. Jules HAYAUX.

Le liappel.

La correcteOQ paternelle

Qui donc oserait encore prétendre que la mise en correction paternelle n’est plus pra- tiquée. Voici que le mois dernier, les jour- naux, en donnant le bilan des affaires jugées en un mois par le tribunal pour enfants, firent connaître que le président avait signé 33 ordonnances de détention par voie de correction paternelle.

C’est, en effet, M. le président Flory qui s’occupe maintenant de cette question spé- ciale. On sait avec quel dévoûment, quelle clairvoyance et quelle bonté il préside les audiences du tribunal et celles de la Cham- bre du Conseil où comparaissent tant de malheureux enfants dévoyés. On pourrait donc s’étonner qu’il eût rendu un si grand nombre de décisions ordonnant l’emprison- nement de pauvres petits, sur simple deman- de du père de famille. Mais il faut rappeler que la loi dit : si l’enfant est âgé de moins de 16 ans, le président du tribunal « de- vra » délivrer l’ordre d’arrestation.

Et c’est ainsi qu’en un mois, — 6 mars, 6 avril, — dans le département de la Seine, trente-trois enfants ont été enfermés, mis rai secret, sans avoir été entendus, sans avoir eu de défenseur, sans qu’une voix —pas même celle de leur mère ! — ail eu la possibilité de s’élever et de prononcer une seule parole de pitié.

A quand la fin de ce reste de barbarie ?

M. V. (Le Droit des Femmes).

VIE POLITIQUE ET SOCIALE

CHRONIQUE SUFFRAGISTE

Vn demi-million de suffragistes. — Les Conseils généraux et le vote des femmes. — L’action auprès du Parlement.

L’expérience du Journal sur le vote des femmes a été un succès, puisque 505.972 femmes ont exprimé le désir de voter ; si l’on songe aux conditions mêmes de ce vote blanc, aux signatures, adresses, pièces d’identité que l’on exigeait, au peu de temps pendant lequel on put voter, ce succès de- vient un triomphe qui fut une heureuse surprise pour les suffragistes : pouvions- nous espérer que notre propagande avait eu de tels résultats ? Enregistrons notre vic- toire et continuons jusqu’à la conquête défi- nitive.

Nous approchons du but. Les groupes de l’U. F. S. F. avaient été invités par le secré- tariat général à présenter une pétition aux Conseils généraux, leur demandant de se prononcer en faveur de la proposition de loi Dussaùssoy-Buisson. Quelques-uns ont ajourné leur - réponse à la - session d’août. Dans la Charente-Inférieure, M. Emile Com- bes a pris la peine dé se prononcer contre notre pétition et a entraîné le Conseil géné- ral, Quand les républicains comprendront- ils que le principe même qu’ils défendent est faussé par l’état de sujétion où la»Répu- blique tient les femmes et que dire: « J’ai peur que vous ne votiez pas comme moi, aussi vous n’aurez pas le bulletin de vote » est un raisonnement anti-démocratique au premier chef. Ajoutons que leur crainte ne nous semble point -justifiée et que nous tenons autant qu’eux à l’oeuvre laïque- et sociale de la 3D République. Enfin, sept Con- seils généraux ont pris le temps dans leur courte session de se prononcer en faveur du suffrage des femmes, ce qui porte à 16 le nombre de ces Conseils favorables.

Les suffragistes seraient coupables* de n’en pas profiter. Aussi à la veille de la rentrée des Chambres, les délégués de la plupart des sociétés suffragistes se sont réunis afin de discuter des meilleurs, moyens à employer pour empêcher le rapport Buisson d’être caduc. Le temps presse ; 15 jours après le début de la session parlementaire, il serait trop tard. Certes, il nous suffirait de trou- ver vingt signatures de députés et nous sa- vons tous que ce serait très facile. Mais l’effet sera considérable sur l’opinion et ’sur le Parlement lui-même si nous avons beau- coup plus de signatures qu’il n’est stricte- ment nécessaire, si nous avons déjà la ma- jorité. :

Dans la réunion d’entente du 22 mai, où la F. F,.’U; fut représentée, il fut décidé d’envoyer une lettre à chaque député et de le prier d’envoyer son/adhésion àM. Justin Go-^ dart,-député dû Rhôhéi qui veut bien se char-, ger de recueillir ces adhésions. Cette lettre, signée de la presque, totalité dès associations et fédérations féministes, est l’expression de la volonté précise de cent mille adhérentes.

si:*

Le Congrès de l’U. F. S. F. qui est fixé au 31 mai et 1er juin, à Lyon, sera passé à l’heure où paraîtront ces lignes. La pro- chaine chronique sulfragiste lui sera consa- crée

Pauline REBOUR.

Lettre adressée à tous les députés Paris, le 1" juin l\)Vi.

MONSIEUH LE DÉPUTÉ,

La question du suffrage des femmes, et plus particulièrement du suffrage munici- pal, a été soumise à la Commission du Suf- frage Universel des deux dernières législa- tures.

Après avoir étudié le rapport de M. F. Buisson sur la proposition de loi déposée en 1906 par le regretté M. Dussaussoy, la Com- mission du Suffrage Universel s’est, par deux fois déclarée favorable aux conclu- sions de M. F. Buisson, tendant à accorder aux femmes Pélectorat et l’éligibilité pour les Conseils municipaux, les Conseils d’Arrondissement et les Conseils Généraux.

La précédente législature, dans sa séance du 3 février 1914, avait mis la question à l’ordre du jour, mais les circonstances n’ont pas permis que ce rapport soit discuté avant la séparation de la Chambre.

Pour éviter que le rapport Buisson ne devienne caduc, il faut qu’il soit repris, par vingt députés au moins, dans les quinze premiers jours de la session parlementaire qui va s’ouvrir.

Connaissant, Monsieur le Député, vos sen- timents de justice et vos opinions libres de préjugés, nous espérons que vous voudrez bien donner voire adhésion à la pétition suivante :

« Les soussignés, conformément à l’arti- cle 18 du règlement, demandent le renvoi à la nouvelle Commission compétente, du rap- port déposé par M. Ferdinand Buisson, an nom de la précédente Commission du Suf- frage Universel, sur la proposition Dussaus- soy. »

Si telle est votre intention, nous vous serions donc très obligés, Monsieur le Député, de signer la carte ci-jointe et de l’adresser, au plus tôt à M. Justin GODARÏ, député du Rhône.

Veuillez croire, Monsieur le Député, à nos sentiments de vive reconnaissance.

Conseil National des Femmes Françaises.

Amélioration du Sort de la Femme.

Alliance Universelle des ’Femmes pour la Paix par l’Education.

Association des Femmes de Saône-el-Loirc.

Congrès Permanent du Féminisme Interna- tional.

Fédération Féministe Universitaire.

Fédération Féministe du Sud-Est.

Groupe Féministe de Saintes.

Ligue d’Electeurs pour le Suffrage des Femmes.

Société Féministe du Havre.

Société Féministe de Vienne.

Union Française pour le Suffrage des Fem- mes (Fédération suffragiste Nationale).

Union Fraternelle des Femmes.

Vie Féminine.

Le parti féministe

Mon dieu, oui il existe, le référendum du Journal lui a permis de se reconnaître. Il compte dans les 500.000 membres, ce qui est coquet — des cadres solides, des chefs en quantité, des talents et des convictions à foison. Il manque de programmé, direz-vous, il n’a pas un credo officiellement reconnu et publié, avec articles de foi numérotés et longuement médités. C’est vrai et je m’en réjouis pour l’instant. Les programmes écrits, les règlements savants, les statuts mirifiques, au nom de quoi on s’anathéma- .tise et se fulmine, barrières que tout cela, obstacles inutiles et dangereux, qui à force de vouloir canaliser l’élan et diriger l’action arrivent simplement à écraser l’initiative et à paralyser l’effort. Les mouvements jeunes et vigoureux débordants de force et de foi n’ont que faire de semblables lisières. Quand les volontaires de 92 couraient aux frontières, quand les compagnons de Colomb se ruaient au Nouveau monde, quand les chrétiens des catacombes se lançaient à la conquête mora- le du monde romain, ils n’avaient pas non plus de programme écrit dans leur poche. Mais une„.même pensée, un même souffle les animait, et donnait à leur action cette unité vivante et profonde que la discipline est impuissante à.faire naître.

Le parti féministe est ainsi pour l’instant ; puisse-t-il le rester longtemps sans se suici- der et sans dévier, soit à droite, soit à gau- che !

Je ne crains pas beaucoup les déviations à droite peut être parce que j’ai peu de rapports avec ce côté, mes relations étant surtout à l’extrême gauche ; mais ici je vois clairement quelle fissure se prépare et j’y voudrais parer.

L’élite des syndicalistes d’avant-garde est anti-parlementaire et comme elle ne voit dans notre mouvement féministe qu’une course effrénée après le bulletin de vote, il est tout naturel, surtout avec cette tendance qu’a le syndicalisme à se croire panacée uni- verselle, qu’elle crie « casse-cou » à toutes les bonnes volontés susceptibles de venir à nous.

Mais le syndicalisme, s’il offre à la rigueur un-champ d’activité assez vaste à l’homme pour lui suffire, n’est pour la femme que l’un des terrains de lutte où il lui faut reven- diquer son droit à la vie — un des terrains >et non le,plus important !

Le syndicat défendra l’ouvrière — et en- core l Voyez Mme Gouriau ! — il ignoré l’épouse, la mère, la veuve, la fille-mère, la femme en un mot et ses misères spéciales et sa sujétion particulière. Or l’ouvrière est d’abord femme c’est même là la première cause pour laquelle on déprécie son travail, quel qu’il soit en le payant moins que le travail masculin-équivalent. Et le terrain sur lequel elle doit se placer pour défendre ses intérêts de femme dont le syndicat n’a cure, c’est le terrain féministe. C’est au groupement féministe qu’elle doit aller et qu’elle trouvera ses alliées naturelles, ses soeurs en sujétion : les autres femmes. Je ne dis pas, notez bien, qu’il faut abandon- ner le terrain de lutte syndicaliste oh non ! mais il ne suffit pas, et si la ménagère n’a que 2 sorties à faire dans sa quinzaine, je lui conseille de les partager équitablement entre le groupe féministe et son syndicat.

Si elle en a un, syndicat. Car enfin, il y a encore beaucoup de métiers de femmes qui n’en ont pas, et beaucoup d’autres d’où on les expulse. (Voir Couriau !).

Pour en revenir au mouvement féministe, la fissure que je crains, toute momenta- née d’ailleurs, peut venir de là : mécon- naissance par les travailleuses groupées de leur solidarité de sexe. D’elles-mêmes, elles viendraient, avec élan, au féminisme libé- rateur, mais la tutelle masculine qui s’exer- ce au syndicat empêche pour elles une claire vision de leur vraie situation. Heu- reusement la vérité est forte et sûre de vaincre ; le mouvement féministe croît et gagne chaque jour du terrain, malgré les méconnaissances, malgré même les oppo- sitions volontaires et soulignées de quelques femmes. L’avenir est à nous plus ou moins proche, selon que nous serons plus ou moins émancipées chacune ; il ne peut pas nous échapper. Et lorsque nous serons fédérées, selon le voeu de Séverine et de tant d’autres depuis si longtemps, lorsque nos divers groupements auront un centre d’informa- tion commun, lorsque nous aurons réussi, pourquoi pas ! à remettre debout un quo- tidien féministe, lorsque cela sera, vous verrez quels pas de géant fera notre cause et comme demain deviendra vile aujour- d’hui. Hélène BRION.

Notes pour notre Histoire
Jeanne Deroin

Née, Paris 1805. Mariée à un brave homme qui l’admirait et l’aimait ; en eut 3 enfants. Très intelligente ; s’attache sans quitter son ménage, à l’étude des questions sociales et de 1832 à 48 mûrit une grande idée. Voici 48. Tout ce qui vit et pense s’agite. Jeanne Deroin, ses enfants élevés, quitte son mari, reprend son nom de fille (Jeanne Deroin) et laisse le foyer pour la vie publique. Non qu’elle cessât d’aimer son mari ou de s’intéresser à ses enfants, au contraire ! Mais comme Jeanne d’Arc, elle se sent attirée par une mission plus haute et c’est le bonheur d’autres foyers, d’autres enfants qu’elle va combattre.

Avec Gabrielle Sourmet, Pauline Roland, Désirée Gay, Eugénie Niboyet, Adèle Esquiros la voici qui fonde le Club des femmes, 11 mai 1848. Ce club a un organe, la Voix des femmes d’Eugénie Niboyet, qui disparaît faute d’argent le 18 juin et reparaît en août hebdomadaire, sous le nom de Vœu des femmes.

Jeanne Deroin en est l’âme et y poursuit inlassablement les deux idées qui lui sont chères : 1° affranchissement total de la femme ; 2° union fraternelle de tous les travailleurs pour une plus juste répartition des produits du travail.

Dans le n° d’août 49, elle exposé une fois de plus son « projet d’organisation de l’Union des associations fraternelles de travailleurs ». (Une C. G. T. avant la lettre, une internationale avant Karl Marx). Et elle y met tant d’éloquence et de conviction que le gouvernement ombrageux suspend brutalement son journal. Mais l’idée est lancée et 104 associations répondent à son appel, nomment des délégués qui choisissent une commission de 5 membres dont Jeanne Deroin, naturellement. On rédige des statuts, on perçoit des cotisations, on rêve d’étendre le mouvement à la France entière puis à l’Europe, et certain soir, où l’on rêve ainsi autour de la grande table couverte de papiers, portes bien fermées et volets bien clos, la police du prince-président fait irruption et le rêve s’achève en prison.

Le procès s’instruit sous le chef de complot contre la sûreté de l’État. Et ce procès constitue une bien drôle de comédie féministe ! Oyez plutôt. Au début des interrogatoires on sent que l’âme de l’affaire est Jeanne Deroin ; elle a tout combiné, tout voulu, tout prévu ; elle parle bien et comprend vite, répond pour les autres, embarrasse souvent et étonne toujours le juge enquêteur. C’est elle la tête et le cœur du « complot ». Danger ! grave danger ! Humiliation profonde pour les codétenus. Mais ils sont gens débrouillards et avec une femme, il y a toujours moyen de s’en tirer en s’adressant à son bon cœur. On fait donc appel à celui de Jeanne Deroin et à partir de ce moment elle s’efface et disparaît presque du procès, ne répond plus, ne revendique plus rien.

…« J’avais été instamment priée, dit-elle dans ses mémoires, au nom des Associations de ne pas reconnaître que j’étais l’auteur du projet et de l’acte d’Union dès Associations de travailleurs. Le préjugé qui dominait encore dans les Associations était froissé de la part prééminente qu’une femme dévouée à la cause du droit des femmes avait prise dans cette œuvre ; ne voulant pas, en présence de nos adversaires, soulever une contestation entre socialistes au point de vue socialiste, je me tus. »

Cette petite comédie de vanité masculine, combien de fois s’est-elle jouée au cours des siècles ? Et combien de fois se jouera-t-elle encore ?

Hélène BRION.


UN PEU PARTOUT La femme et l’action syndicale

Le vieux proverbe : « A quelque chose malheur est bon », peut s’appliquer à cette affaire Couriau qui mit en pleine lumière l’égoïsme de certains typos, — entre autres ceux de Lyon.

Supposez que la section typographique l3’onnaise, s’inclinarit devant les décisions du Congrès que la Fédération du livre tint à Bordeaux, eût admis la tijpole Couriau. C’était sans importance. Il n’y avait qu’une femme syndiquée de plus… Au contraire, en la boycottant et en flanquant son mari à la porte du syndicat, cette section a orienté les esprits sur une question d’excep- tionnelle gravité : l’exploitation outrancière à laquelle trop passivement se ploie l’élé- ment féminin, et il en est résulté un cou- rant d’activité en faveur du groupement des ouvrières.

Grâce à l’excitant de l’affaire Couriau, des initiatives se sont mises à la besogne avec ardeur et conviction. Et c’est à Lyon — centre tout indiqué pour cette agita- tion — qu’est née la première ligue fémi- nine d’action syndicale.

Cette ligue, placée sous le patronage de l’Union des Syndicats du Rhône, est com- posée de déléguées, nommées par les syn- dicats féminins ou mixtes adhérant à l’Union, à raison de deux par syndical. Son but est de faire de la propagande chez les femmes salariées, de les inciter à venir au syndicat de leur profession et s’il n’existe pas pour elles de groupements adéquats, d’aider à leur création. Mais, outre celte besogne de recrutement, la ligue vise aussi à former un noyau de militants afin d’accé- lérer autant que* possible le mouvement syn- dical féminin.

II est à souhaiter oue l’exemple de celte ligue lyonnaise soit fécond, qu’elle ne reste pas une exception unique et que là où il y a des ouvrières — c’est-à-dire à peu près partout — les Unions de syndicats s’avi- sent de semblable initiative. Déjà, dans la Seine, avec l’appui de l’Union des Syndi- cats, la question de créer une ligne fémi- nine est posée.

Il suffit pour aboutir que les propagandis- tes — si ce sont des hommes — n’oublient lias la propagande pour le flirt… et qu’aux réunions on ’traite les travailleuses en ca- marades c-t non en femmes à qui on peut faire quelques doigts de cour…

D’ailleurs, jamais encore le groupement des femmes n’a été poursuivi avec la mé- thode, la volonté d’aboutir qui caractérise l’effort actuel.