Page:L'Art pendant la guerre 1914-1918.djvu/108

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Mais des ruines d’hier, des « ruines neuves », on ne savait ce que c’était ce que ce pouvait être — hors des pays à tremblements de terre ! Des villes mises à sac, des palais en flammes, des maisons éventrées, le brasier où tombent des trésors d’églises, où se calcinent les statues, où fondent les plombs, les bronzes, les orfèvreries, les tentures précieuses ; des cathédrales illuminées intérieurement, comme par un feu d’enfer ; les torsades des fumées d’incendie qui montent, la terre qui change la couleur du Ciel, c’était là des spectacles néroniens qu’on ne pouvait situer que dans le Passé ! Peut-être quelques dilettantes, moralement pervertis, comme il y en a toujours aux époques de civilisation raffinée, regrettaient-ils de vivre à une époque où l’on ne pût rien espérer connaître des émotions des temps barbares. Quand les artistes voulaient les représenter, quand ils tâchaient de figurer, par exemple, le tableau évoqué par Olivier de la Marche, racontant le siège de Dinant, en 1465 : « Et le comte de Charolois et ses gens entrèrent dedans la vile comme maîstres et seigneurs et fut la vile pillée de toutes pars et puis fut mis le feu dedans : et fut brûlé Dinand par telle façon qu’il semblait qu’il y eut cent ans que la ville était en ruine », — ils faisaient des efforts inouïs d’imagination. Aujourd’hui, ils n’ont plus besoin d’imaginer, de surexciter artificiellement leur verve, de fermer les yeux, — mais de les ouvrir. Des ruines toutes chaudes, des ruines comme