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Page:L'Art pendant la guerre 1914-1918.djvu/119

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foules avaient suivi la mer. L’immense église était quasi vide, le phare enterré. La ville était plongée dans un sommeil léthargique dont rien ne semblait pouvoir la tirer. Elle ressemblait à ces dormeuses que la science observe parfois durant des années, dans les hôpitaux. Elles ne se réveillent que pour mourir.

Les grands jours d’Ypres et de Nieuport semblaient finis. Voici une petite ville qui n’avait guère eu de grands jours : Gerbéviller, en Lorraine. Elle en aura un désormais : le jour de sa ruine. Un dessin de M. Georges Scott nous le montre sinistre. On devine, rien qu’au coup de crayon de l’artiste, les scènes de sauvagerie qui se sont passées dans cette rue, les jeunes gens brûlés, les femmes fusillées à la course, « comme des lapins », dit le récit d’un témoin oculaire. C’est là, surtout, que le mot de ruines perd sa signification esthétique : ce ne sont pas, là, des ruines, ce sont des décombres…

Après toutes ces visions tragiques, c’est un curieux contraste que la grande aquarelle de M. Vignal, Sermaize-les-Bains. C’est la ruine sous le ciel rasséréné, qui a déjà pris son aspect pittoresque, avec les verdures nouvelles des arbres. C’est un paysage à la place d’une ville : on sent la vie qui se transforme et qui continue. L’homme se lasse, la terre ne se lasse pas. La nature recommence, indifférente, son grand œuvre, recouvrant tranquillement le crime des hommes, comme leurs édifices, d’une même splendeur. M. Vignal a repris