Page:L'Art pendant la guerre 1914-1918.djvu/203

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Il a sur les neutres, en général, et leur masque d’impartialité, une image cinglante. Elle doit être dédiée à tous ceux qui prétendent, lorsque le Droit est en jeu, se tenir au-dessus de la mêlée. C’est un bourgeois, gros, glabre, élégant, couvert d’un beau gilet à fleurs, surmonté d’un chapeau de cérémonie. En sa présence, un apache au front bas, à la face patibulaire, vient d’égorger une femme, pour un butin qu’il emporte, et le voici qui tient encore à la main le couteau sanguinolent. Le gros monsieur détourne son regard et délibère, à part lui, sur ce qu’il convient de faire. « Lui dirai-je qu’il est un assassin ? » se demande-t-il, puis aussitôt : « Non, je vais le saluer poliment ; c’est plus neutre ».

Tous les neutres ne raisonnent pas comme le bourgeois de Raemaekers. Sans même sortir de son pays, on trouve d’autres crayons que le sien occupés à flétrir la guerre. Ce sont principalement ceux de l’Amsterdammer : Johann Braakensiek, connu depuis ses dessins sur la guerre du Transvaal, George van Raemdonck et Jean Collette. Seulement, ils flétrissent la guerre en général plus nettement que l’auteur de la guerre. On n’aperçoit pas toujours très clairement que, sans l’agression voulue, préméditée, de l’Allemagne, cette guerre n’eût jamais eu lieu. Pourtant, ils l’ont symbolisée de façon saisissante. Tel est le dessin où Raemdonck a montré tout ce qu’a causé le meurtre de Serajevo. Un revolver est là, posé, qui a fait feu et fume encore : du petit tube d’acier sortent, enveloppées