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Page:L'Art pendant la guerre 1914-1918.djvu/230

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culations théoriques se sont révoltés, leur ont dénié le droit d’invoquer cette idéale figure de la Justice et l’ont revendiquée pour eux-mêmes. D’ailleurs, il n’y a pas, là, contradiction. L’esprit moderne et le Christianisme se rejoignent pour condamner l’un le but, l’autre les moyens du Pangermanisme. Il est donc naturel que la figure de la Civilisation et la figure du Christ apparaissent toutes les deux, trahies et bafouées par ces prétendus civilisés et ces pseudochrétiens, pour les désavouer et pour les maudire.

Seulement, ces deux principes ne sont pas de la même ressource pour l’artiste. Civilisation, Humanité, Charité, Justice : ce sont, là, des termes abstraits, froids, impossibles à figurer en des images, sinon par des allégories féminines, qui voudraient aussi bien dire : Hygiène, Poésie, Assistance Publique, Hiver ou Été. La figure du Christ apparaissant, les résume, les incarne, leur prête la vie, — sa vie, qui fut tout ce qu’on attend d’elles, qui les mit en action et, pour ainsi dire, en tableaux sensibles à tous les yeux. C’est pourquoi sans le vouloir, sans le dire et presque à leur insu, les nouveaux symbolistes l’ont évoquée. Ils ont montré le Christ enfant se détournant à la vue des monstrueux présents des nouveaux rois : l’obus du Kaiser, le 305 de François-Joseph, le cimeterre du Sultan ; ils l’ont figuré sur sa croix, barrant le chemin au militarisme bardé de fer et abattu par lui à coups de hache ; ils l’ont dressé, lumineux fantôme, comme un remords vivant, devant l’Empereur épouvanté.