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Page:L'Art pendant la guerre 1914-1918.djvu/254

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tine, ni le récif des bataillons formés en carré, submergé par les vagues de la cavalerie, comme ceux de Waterloo, ni même les surprises de l’embuscade, de maison à maison, qui fournirent à Neuville tant d’épisodes pittoresques. Tous les témoins, dans leurs notes ou dans leurs croquis, nous montrent ceci : des hommes dispersés s’avançant rapidement, mais sans mouvements démonstratifs, ni même révélateurs de leur action, le fusil à la main, comme à la chasse, posément, comme s’ils faisaient une promenade. Ils ne s’arrêtent pas pour tirer. On tire sur eux, mais ceux qui tirent sont invisibles, — cachés dans des trous, des « nids de mitrailleuses », ou à plusieurs lieues de là, les canons. Toute l’action est dans les rafales de l’artillerie qu’on ne voit pas, dont on ne voit que les effets : çà et là, un homme s’affaisse comme pris d’un mal subit. Toute la beauté ou l’élégance, si l’on peut dire, est dans les âmes qu’on ne voit pas davantage. Toute l’union ou la cohésion est dans les volontés, qui ne sont pas des objets qu’on puisse représenter par des lignes et des couleurs. En apparence et pour l’œil, ces hommes marchent sans lien, sans guide, sans but. Ce qui fait la beauté dramatique de cette promenade, c’est le passage incessant de l’obus ou la pluie de balles, qu’on n’aperçoit point, ou encore des gaz asphyxiants qui n’ont pas, on l’imagine, une forme plastique assez définie pour qu’on la représente. La fumée enveloppe, d’ailleurs, le peu de combattants que l’artiste pourrait peindre.