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Page:L'Art pendant la guerre 1914-1918.djvu/45

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armé ; des forêts sombres, des sommets incultes, neigeux, une nature implacable dans son indifférence ou son hostilité : — voilà ce qu’on rencontrait toujours et partout. Ah ! elle était loin, la recherche du gemüthlich ? Ce n’était pas beau, mais c’était écrasant. Parmi la dispersion des autres pays, l’Allemagne se présentait, là, unie et disciplinée comme une armée en bataille. Et quand on repassait sous le velum et sous le monument sculpté par Calandra, et qu’on quittait cette éphémère apothéose de l’extravagance internationale que fut l’Exposition de Turin, en 1902, on emportait une impression de malaise à la pensée de l’immense nation organisant un art comme on organise une invasion.

D’où venait cet art ? De l’endroit le moins fait, semble-t-il, pour inspirer de pareils énergumènes : de Darmstadt. Car c’est de là, plutôt que de Munich, plutôt que de Weimar, qu’est parti, à la fin du xixe siècle, le mouvement qui devait « rénover », au dire de M. Ostwald et de M. Kuno Francke, « l’Art de la Maison », en Allemagne. Il y avait, en ce temps-là, dans la capitale de la Hesse, un jeune prince épris des arts, qui venait de ceindre la couronne grand-ducale. Il s’appelait Ernst-Ludwig, et méditait de laisser ce nom à la postérité, entouré des prestiges que donne un mécénisme intelligent. Il méditait, aussi, de faire une bonne affaire. Or, à l’extrémité de sa bonne ville, bien loin vers l’Est, par delà les casernes, près de l’ancienne porte de