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VERS INÉDITS DE RIMBAUD[1]



Regrets des bras épais et jeunes d’herbe pure !
Or des lunes d’avril au cœur du saint lit ! Joie
Des chantiers riverains à l’abandon, en proie
Aux soirs d’août qui faisaient germer ces pourritures !

Qu’elle pleure à présent sous les remparts : l’haleine
Des peupliers d’en haut est pour la seule brise.
Amis, c’est la nappe, sans reflets, sans source, grise —
Un vieux dragueur, dans sa barque immobile, peine.

Jouet de cet œil d’eau morne, je n’y puis prendre,
Ô canot immobile ! ô bras trop courts ! ni l’une
Ni l’autre fleur ; ni la jaune qui m’importune,
Là ; ni la bleue, amis, à l’eau couleur de cendre.

Ah ! les prendre des saules qu’une aile secoue,
Les roses des roseaux dès longtemps dévorées !…
Mon canot toujours fixe ; et sa chaîne tirée
Au fond de cet œil d’eau sans bords — à quelle boue ?

Arthur Rimbaud.

(Reproduction interdite.)

  1. En préparation chez Léon Vanier un volume de prose et de vers inédits d’Arthur Rimbaud. Préface d’Adolphe Retté. Les vers absolument authentiques que nous publions ici sont écrits sans titre sur une demi-feuille de papier à lettre et datés de 1870.