Page:L'Humanité nouvelle, année 1, tome 1, volume 1.djvu/591

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dans la maison… Mais je vais lui arracher les yeux à cette sale créature, tu sais, voilà !… À ton Bachka lui-même je mettrai le visage en sang…

Cet orageux épanchement d’Akoulina créa des complications nouvelles dans la situation déjà très tendue de Bachka. La maîtresse de Vanka Caïn, tout affolée qu’elle était, eut cependant l’approbation des assistants qui se rangèrent de son côté sans hésiter. La pensée d’une lutte imminente à coups de poings s’agita dans la tête grisée de Bachka et déjà ses mains crispées s’allongeaient sous la table ; il jeta des regards de défi du côté de ceux qui, il n’y a que quelques instants, étaient ses meilleurs amis.

— Écoutez-moi, Bachka, allons-nous en, lui proposa sa compagne en se levant. J’ai encore à faire ce soir… Médaillon m’attend.

— Qui est-ce Médaillon ?

— Tu vas le voir de suite toi-même.

La boisson étant payée d’avance, notre couple se dirigea solennellement vers la sortie. Comme il arrivait à la porte, Akoulina s’élança sur La-Figure ; et, de sa main de fer, la saisissant par l’épaule, elle la poussa brutalement dehors.

— Akoulina ! peste de femme ! Veux-tu lui ficher la paix ! intervint le patron.

Bachka jeta le hurlement de l’ours atteint d’une balle de fusil mais sa compagne, le prenant par le bras, l’entraina vivement dans la rue.

— Est-ce la peine de s’en prendre à une imbécile pareille, dit-elle en cherchant à l’apaiser. Ce n’est pas loin d’ici, nous arriverons de suite. Donne-moi ton bras. C’est ça… C’est ainsi que vont dans les rues les dames du monde.

La-Figure riait dans l’obscurité de son rire enroué, tandis que Bachka marchait silencieux à côté d’elle.

Les rues sont plongées dans une nuit profonde : on ne peut distinguer aucun objet. Quelques misérables réverbères, placés au coin des carrefours, brillent à peine dans cette obscurité. La neige a cessé de tomber, le froid est plus vif, plus pénétrant ; dans le lointain on entend les glapissements d’un chien sans gîte. Un morceau de tôle arraché par le vent tombe avec bruit sur le trottoir. L’ivrogne attardé traverse la grande place en essayant de chanter, mais sa voix ne fait entendre qu’une sorte