Page:L'Humanité nouvelle, année 1, tome 1, volume 1.djvu/694

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et dire qu’elle a rêvé tout cela… En voilà une âme vile !… Et puis un ruban aux cheveux… Sacré tonnerre !…

Dans cet état d’ivresse, Bachka maudissait toutes les femmes en général, mais le lendemain, à la nuit tombante, il entrait de nouveau chez Médaillon. D’un air austère et morne, il fumait une à une ses cigarettes de mauvais tabac qu’il roulait fiévreusement dans du grossier papier. Il passait dans cette rue et était entré pour se réchauffer. Pas une seule parole ne fut adressée à La-Figure ; il faisait semblant d’ignorer sa présence. En quittant ses hôtes, il ferma sur lui la porte avec tant de rage qu’elle se décrocha de l’unique gond qui la retenait. Dans ces circonstances, il dut rester et sa visite se prolongea alors plus longtemps qu’il n’avait compté, mais il fit preuve d’une grande fermeté de caractère en ne desserrant pas les dents de toute la soirée. Une fois dans la rue, il chemina à grands pas pendant de longues heures, mûrissant un projet, en ne cessant de pester contre lui-même.

— Ah ! quant à cela, je vous demande pardon ! dit il à haute voix en foulant la neige fraîchement tombée, dont la blancheur éclatante le fit penser de nouveau à cette maudite chemise fine en batiste. Flûte !… C’est trop fort… Au diable !…

Depuis quelque temps, très actif, Bachka travaillait fiévreusement et avait réussi à faire aboutir une masse de petites affaires. Des milliers de pétitions et d’actes de procédure s’envolaient de sa plume habile pour se diriger sur toutes les instances des administrations. Il gagna beaucoup d’argent et trouva l’occasion de placer Médaillon comme clerc chez un notaire. On travaillait ; en un mot, tout allait comme sur des roulettes.

Quelquefois, le soir, pour se réchauffer, Bachka entrait chez Médaillon, y fumait quelques cigarettes et disparaissait de nouveau. Il gardait toujours son air austère avec La-Figure qui était déjà en état de faire quelques pas dans la chambre et qui prenait plaisir à s’asseoir au coin du feu. La maladie l’avait changée complètement. Son visage ne gardait plus trace de sa bouffissure d’ivrognesse et présentait un ovale gracieux ; sa peau fine avait repris sa blancheur légèrement rosée ; ses yeux accusaient un regard pur et serein comme chez un enfant qui vient de s’éveiller.

— Et ni, ni…, c’est fini !… Je ne touche plus aux alcools,