Page:L'année sociologique, tome 9, 1904-1905.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

séparée. Sauf la forme isolée hôtel-dieu, hôtel ne sert plus à désigner l’ « endroit où l’on reçoit des malades, des infirmes » pour une raison historique : les maisons de cette sorte étaient essentiellement des fondations pieuses, et le nom qui a prévalu est la forme latine savante provenant de la langue du clergé, hospital, d’où hôpital ; pour la même raison, le mot hospitium a été aussi employé à un usage analogue sous la forme légèrement francisée hospice ; et il y a eu répartition du sens en français de Paris entre l’hôpital, qui reçoit les malades, et l’hospice, lieu de refuge pour les infirmes et les vieillards. Ces mots, et surtout le mot hôpital, sont à leur tour entrés dans la langue commune avec l’importance prise par cette forme d’assistance dans la vie parisienne ; rien n’y indique plus la notion de réception d’un hôte, et la représentation qui domine est celle de soins à donner à des malades.

Le mot grec ἐϰϰλησία, de la famille de ἐϰϰαλέω « j’appelle, je convoque » signifiait « assemblée » en grec ; dans les milieux chrétiens, il a désigné spécialement l’assemblée des fidèles : il a passé en ce sens dans la langue spéciale des chrétiens de Rome ; là il a désigné l’assemblée des chrétiens (voir Kretschmer dans Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, XXXIX, 539 et suiv.) ; d’autre part le mot ἐϰϰλησία signifiait « lieu de réunion des fidèles », exactement comme marché signifie « lieu où on tient le marché » ; le développement de sens se produit tout naturellement dans des phrases comme « je vais au marché », « je vais à la réunion » : le latin a pris aussi le mot grec en ce sens ; comme, en latin, le sens de réunion, convocation, n’étaient pas attachés au mot, isolé de toutes ses connexions linguistiques par l’emprunt, et que ecclesia était un pur terme de langue particulière, sans usage dans la langue commune, ces deux sens de « groupe des fidèles » et de « lieu de réunion des fidèles » se sont fixés sans aucun mélange, et ils se sont transmis aux langues romanes ou du moins au groupe occidental des langues romanes. Sur le sol français, le mot église est entré dans la langue commune, avec le christianisme qui est devenu la religion de tous les habitants du pays ; les fidèles ont cessé de former une « assemblée » pour devenir un vaste groupe uni par une foi commune et par des institutions communes, et l’ecclesia, devenue en français l’église, a été le nom de ce vaste groupe en même temps que des bâtiments où se réunissaient les fidèles ;