Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/41

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— Si on n’avait pas une exacte idée de la personne humaine, on serait surpris de voir les petits intérêts politiques se manifester si fort au milieu des effroyables événements. Ainsi, il y a antagonisme entre Poincaré d’une part, Viviani et Briand de l’autre. Ceux-ci lui reprochent d’accaparer, d’empiéter, de jalouser.

Briand a même voulu partir. Il a quitté le Conseil avant la fin. C’était encore à propos du retour à Paris. Poincaré attribuait à Briand je ne sais quelle note parue dans le Temps. Il a fallu, dans l’après-midi de ce jour, que Sembat et Thomson allassent chapitrer Briand, lui montrer la gravité de son départ dans l’occurrence, et enfin l’entraîner à la présidence. L’entrevue même débuta mal. Car Poincaré dit d’abord : « Je suis rassuré en apprenant que vous êtes trois, car il ne s’agit pas d’un envoi de témoins. » Cela finit par une accolade, dont Poincaré prit l’initiative. Mais le mécontentement couve. Viviani, lui, se plaint toujours de l’impolitesse de Mme  Poincaré.

Dans ses explications avec Thomson et Sembat, Briand rappela amèrement sa part dans l’élection présidentielle. Il dit avoir fait une loyale démarche près de Bourgeois qui accepta, puis se déroba. Jaurès aussi était partisan de cette dernière candidature. Mais devant la retraite de Bourgeois, Briand donna son concours à Poincaré.

— Dans une lettre de soldat : « Nous entrons dans un village. Du sang ! Du sang ! Il n’y en a pas encore assez. C’est du boche. » On dira ce qu’on voudra. L’ère qui réveille et qui excite de tels sentiments est une affreuse époque.

— Briand prétend qu’il rêve, après la guerre, de quitter la politique et de s’amasser, comme avocat, 3 ou 4.000 francs de rente.