Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/62

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10.000 francs à la troupe cachée dans les Ardennes, Angleterre, Hollande, Belgique. Il accomplit sa mission. Arrêté à Bruxelles, il se sauve encore et rentre en France par la Hollande, etc. Il faudrait pouvoir noter ses inventions, ses avatars, ses angoisses, ses ruses et l’admiration terrifiée que lui inspirent les méthodes d’occupation des Allemands.

— Le 5. J’ai sous les yeux une lettre où un soldat jure ceci sur la tête de ses enfants : deux régiments adverses fraternisent sans armes, le 24 décembre, entre leurs tranchées, malgré l’opposition des chefs. Les soldats échangent des cigares, se serrent les mains, s’embrassent. Les Allemands promettent de ne tirer la nuit ni le jour suivants. Ils tinrent parole. Cela m’apparaît symbolique et d’une humanité bien supérieure à la guerre.

— Le 5. Déjeuner Sembat, Painlevé, Gabriel Voisin. Painlevé se plaint des lenteurs à faire sortir des inventions, des hésitations entre plusieurs modèles, des rivalités entre les services. Voisin se plaint de la livraison tardive des moteurs, de la pénurie de pilotes militaires.

— Lorsqu’on regrette qu’il ait fallu la guerre pour développer le sentiment de solidarité, en déplorant qu’il n’existe pas dans la paix, on vous répond : « Vous voyez : il fallait la guerre. »

— N…, chef d’institution, resté jusqu’ici pacifiste, rugit en pensant aux gens qui s’indignent des atrocités allemandes en Belgique et se félicitent des atrocités cosaques en Prusse Orientale.

Il reconnaît que la génération bourgeoise de 15 à 20 ans est sportive, éprise d’action. Cela l’acheminait vers la guerre, car, moins inquiète, elle avait moins peur de la mort. Cela n’explique pas toutefois cette éclosion de fanatisme patriotique, ce goût de