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L’envers de la guerre


AOÛT-SEPTEMBRE 1914


Pendant les trois premières semaines de la guerre, je suis malade à la chambre, au bord de la mer. Je n’ai d’autres échos des événements que les journaux et le double coup de téléphone quotidien de nos amis Thomson. M. Thomson est ministre du Commerce et des Postes. Tout ce que déchaîne la guerre — actes et sentiments — atteint et ruine en moi mon unique croyance : le progrès continu de l’espèce, vers plus de bonheur. Je ne croyais pas que cela serait. C’est une faillite de ma foi. C’est le réveil d’un rêve que je caresse depuis que je pense. Voilà ce qui domine en moi. Chaque matin, il me faut réapprendre que c’est vrai, qu’il y a la guerre. Le reste, ma participation sincère à notre cause, vient ensuite. Français, je reste humain. Je me réjouirais de la victoire, mais je déplore avant tout la bataille. Et je garde ma haine de la haine.

J’essaye d’échapper à la hantise par des lectures à haute dose : morphine inoffensive. Mais la guerre reste ma préoccupation. Je voudrais en délier les causes. Puis je sens qu’il est trop tôt. Les journaux, les téléphonages clament la confiance et l’allégresse.