Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/97

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a plus qu’une chance qu’une pareille boucherie ne se renouvelle plus : c’est que l’altruisme et la sensibilité durent pendant la guerre même. Alors ils la rendront intolérable. Mais la métamorphose des mentalités est si totale dès les premiers coups de canon, qu’on n’ose pas espérer cette persistance future d’un altruisme sensible.

— L’éditeur X me dit : « Ainsi, moi, je ne m’achéterai un complet qu’après la guerre. » Il veut ainsi me donner la preuve qu’il y aura, dès la paix, un formidable essor économique, dont l’achat de ce complet sera le signal et le symbole.

— Dès qu’on tente de peindre la situation telle qu’elle est, on vous dit : « Il ne faut pas amollir les esprits. » Mais alors, comment remédiera-t-on aux fautes ?

— Les Allemands, parce que Joffre a la réputation chez eux d’épargner la vie de ses soldats, l’appellent la Caisse d’épargne.

— Un médecin conte qu’il y a, derrière le front, la bourse des poux. L’homme rongé de vermine est évacué, car l’insecte propage les épidémies. Aussi le pou est-il recherché. Douze poux dans une boîte se vendent d’autant plus cher qu’ils sont plus gros.

— Le 20. Un gala présidé par Yvette Guilbert et Pierre Loti. Rien que des chants et des poèmes religieux. Jésus est servi sous cent formes. Que nous sommes loin de l’Yvette aux gants noirs de 1890 ! Elle est vêtue en évêque, violette, grasse, un crucifix d’acier sur l’estomac, assez vaste pour y mettre le Christ, grandeur nature.

— Le 22. Départ en mission pour la Champagne avec Pasquet, directeur du personnel des P.T.T. Nous devons, au nom du ministre, visiter les