Page:L'homme du ressentiment.pdf/25

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affectif d’une autre personne, qu’il s’agit bien d’une ré-action. Et pour constater que le désir de vengeance appartient bien à cette classe, on n’a qu’à l’opposer à des tendances directes et actives, soit d’hostilité, soit d’amitié. Le désir de vengeance implique offense ou injure préalable. Mais notons bien que, dans le cas qui nous occupe, ce désir ne se confond aucunement avec une tendance à la riposte ou à la défense, même accompagnée de colère, de rage ou d’indignation. La bête capturée qui mord le chasseur ne cherche pas à se venger. De même, la riposte immédiate à un coup de poing ne constitue pas une vengeance. Pour qu’il y ait véritablement vengeance, il faut, à la fois, un « temps » plus ou moins long, pendant lequel la tendance à riposter immédiatement et les mouvements de colère et de haïne qui lui sont connexes soient retenus et suspendus ; d’autre part, que l’acte même de la riposte soit reporté à un moment et à une occasion plus propices ( « attends un peu, la prochaine fois ! » ) ; et que ce qui retient la riposte immédiate soit la prévision d’une issue défavorable sous-tendue par un sentiment très marqué d’ « incapacité », d’ « impuissance ». Nous voyons dès maintenant que la vengeance est, en soi, fondée sur un sentiment d’impuissance ; qu’elle est toujours, et avant tout, le fait d’un « faible » (quelle que soit la forme que prenne sa faiblesse) ; aussi, en son essence, ne comporte-t-elle jamais le sentiment que l’on agit « du tac au tac » et ne se présente-t-elle jamais simplement comme une réaction accompagnée d’émotion. Ce sont ces caractères qui font du désir de vengeance un terrain si propice à la croissance du