Page:L'homme du ressentiment.pdf/27

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Mais c’est encore dans la rancune et dans l’envie que cette espèce d’hostilité trouve le plus facilement un objet déterminé. Elles ne naissent, en effet, que dans certaines conditions, visent des objets bien déterminés et disparaissent en même temps que ces conditions. Le désir de vengeance tombe avec l’accomplissement de la vengeance, ou encore du fait que celui dont on veut se venger est puni, même s’il se punit lui-même, ou encore du fait d’une juste réparation. De même, l’envie disparaît-elle lorsque le bien que j’envie à quelqu’un devient ma propriété. Pour la jalousie, c’est dans un tout autre sens qu’elle vise un objet déterminé ; sa naissance et sa mort ne suivent pas des conditions déterminées, car ici, on recherche précisément dans les choses et chez les hommes les éléments et les valeurs qui permettent à l’envie de se satisfaire. La mise en valeur et en lumière, l’agrandissement qui signale à l’attention les aspects négatifs des choses et des hommes, du fait même qu’ils se trouvent dans un même objet unies à des valeurs positives, la durée même de ces moments négatifs, et la fine complaisance qui l’accompagne, tout cela constitue ici une sorte de moule d’expérience dans lequel pourront se couler les éléments les plus divers. C’est dans cette forme ou structure que, d’emblée, s’élabore toute l’expérience concrète, vécue, particulière du jaloux. C’est cette forme qui choisit et réalise cette expérience entre toutes les expériences possibles. La naissance de l’envie n’est donc pas que l’effet de cette expérience ; celle-ci s’élabore indépendamment des maux et des nécessités, des avantages ou des inconvénients que présente tel