Aller au contenu

Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

à poivre dont elle lui assaisonna sa soupe, elle se débarrassa du bonhomme ; pendant qu’il se mourait, sous son nez, elle épousa le maroufle, elle se fit trafiquer par lui. C’est ce qu’on dit dans la ville, mais je n’en jurerais pas, je n’y ai pas mis le doigt.

Antonia. — Cela doit être trop vrai.

Nanna. — Écoute-moi celle-ci. Une des meilleures femmes de la ville avait un mari plus gourmand du jeu qu’une guenon de cerises ; son jeu favori, c’était la prime, et des bandes de toutes sortes de gens venaient faire la partie chez lui. Comme il possédait un domaine dans les environs, une de ses fermières, restée veuve, venait tous les quinze jours visiter sa femme et lui apporter quelques petites choses de la ferme, comme qui dirait des figues sèches, des noix, des olives, des raisins passés au four et autres denrées ; elle restait un bout de temps, puis s’en retournait chez elle. Un jour entre autres qu’il était à moitié fête, ayant un beau chapelet de limaçons et peut-être vingt-cinq prunes bien rangées sur un lit de menthe, dans un panier, elle vint voir sa patronne. Le temps changea et il s’éleva un vent accompagné d’une pluie si épouvantable que force lui fut de rester pour cette nuit à la maison. Le débauché de mari, qui vivait à bouche que veux-tu et qui devant sa femme disait tout ce qui lui venait sur le bout de la langue, illustre buveur, toujours plein de gaudrioles, jeta sur elle son dévolu, et, croyant se montrer bon camarade en lui faisant administrer un trente-et-un, en dit un mot à la bande qui jouait chez lui, ce qui leur fit à tous dresser l’oreille, avec de grands éclats de rire. Chacun promit de revenir après le souper, et notre homme dit à sa femme : « Tu feras coucher notre fermière dans la chambre du grenier. » — « Très bien », répondit-elle, puis elle se mit à table avec lui, et au bas bout soupa la villageoise, fraîche comme un bouquet de roses. Le repas achevé, un peu de temps se passa, puis les joueurs revinrent, le mari se retira avec eux et conseilla à sa femme d’aller se coucher ; il dit à la veuve d’en faire autant. La femme, qui savait de quel pied boitait le garnement, se dit à