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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/31

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LES RAGIONAMENTI

te dégager, les yeux fermés, des doutes que tu as au sujet de la Pippa. Dis-moi, n’as-tu pas été Nonne ?

Nanna. — Oui.

Antonia. — N’as-tu pas eu un mari ?

Nanna. — Je l’ai eu.

Antonia. — N’as-tu pas été Courtisane ?

Nanna. — Je l’ai été.

Antonia. — Et, de ces trois choses, tu n’as pas le courage de choisir la meilleure ?

Nanna. — Non, Madonna.

Antonia. — Pourquoi non ?

Nanna. — Parce que les Nonnes, les Femmes mariées et les Putains vivent autrement aujourd’hui qu’elles ne vivaient jadis.

Antonia. — Ah ! ah ! ah ! La vie a toujours été la même. Toujours les personnes mangèrent, toujours elles burent, toujours elles dormirent, toujours elles veillèrent, toujours elles marchèrent, toujours elles se tinrent arrêtées, et toujours les femmes pissèrent par la fente, et je serais enchantée que tu me racontasses quelque chose de la vie que menaient les Sœurs, les Femmes mariées et les Courtisanes de ton temps, et je jure par les Sept-églises, que j’ai fait vœu de visiter le carême qui vient, de te résoudre en quatre paroles à ce que tu devrais faire de ta fillette. Mais, avant tout, toi qui, pour être une doctoresse, es ce que tu es, tu me diras pourquoi tu hésites à la faire Sœur.

Nanna. — Je suis contente.

Antonia. — Dis-le-moi, je t’en prie. De toute façon, aujourd’hui, c’est la Sainte Madeleine, notre Avocate ; on ne fait donc rien, et, quand bien même l’on travaillerait, j’ai du pain, du vin, de la viande salée pour trois jours.

Nanna. — Vraiment ?

Antonia. — Oui.

Nanna. — Je vais donc te raconter aujourd’hui la vie des Nonnes, demain celle des Femmes mariées et, le jour suivant, celle des Courtisanes : assieds-toi près de moi, mets-toi à ton aise.