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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/53

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LES RAGIONAMENTI

mes pestilentiels[1], par les trois Mages, par les Étoiles, par les Santa Santorum ; mais elle ne put jamais obtenir que le Néron, le Caïn, le Judas, lui plantât son poireau dans le jardinet. Au contraire, avec le visage d’un Marforio tout vénéneux, il la força, du geste et de la voix, à lui tourner le dos, et lui ayant fait mettre la tête sur le poêle, soufflant comme un aspic sourd, avec l’écume à la bouche comme l’orque[2], il lui ficha son plantoir dans la fosse restauratrice.

Antonia. — Scélérat !

Nanna. — Et il prenait un plaisir digne de mille potences à l’ôter, à le remettre, riant à ce je ne sais quoi qu’il entendait à l’entrée et au sortir du pieu ; bruit assez semblable à ce lof lof et taf que font les pieds des pèlerins qui trouvent en route de la glaise visqueuse qui souvent leur arrache les escarpins.

Antonia. — Qu’il soit écartelé !

Nanna. — L’inconsolée, la tête sur le poêle, semblait l’esprit d’un sodomite dans la bouche du démon. À la fin, le Frère, touché de ses oraisons, lui fit relever la tête et, sans débrocher, le coquin de Frère la porta, sur la verge, jusqu’à une escabelle, à laquelle la mignonne martyre s’étant appuyée, il commença à se démener avec tant de gaillardise que celui qui tâte les touches aux grandes orgues n’en fait pas tant. Et

  1. Pénitentiels.
  2. Monstre marin très vorace. On connaît l’épigramme de François Boussuet, de Orca :

    Orcae, Balænæ que immania corpora ponti
    Utraeque inter se bella cruenta movent.
    Se Balaenae igitur maris in sècreta receptant,
    Nam fœtis uteri est cura, timorque sui.
    Prœdae avidae norunt Orcae id gravidasque lacessunt,
    Ast hae victé uteri pondere sæpe ruunt
    Praepediuntur enim, spes quippe fuga omnis in una.
    Balaenis siquidem vis minor omnis inest.
    Orcae igitur miseras truculentis dentibus urgent,
    Et vivos fœtus cum genitrice vorant.

    Il s’agit de l’épaulard, qu’on appelle aussi l’orque, Orca, et qui à cause de ce nom est fort souvent cité comme un monstre infernal par confusion avec l’orque qui est l’enfer même (Orcus).