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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/55

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LES RAGIONAMENTI

fesseur, qui entra, la porte lui ayant été ouverte de suite. Et comme il savait ce que pesait leur laine, ils ne se dérangèrent nullement ; même la traîtresse d’Abbesse, laissant le pinson du père, prit par les ailes le chardonneret du fils, se rongeant toute de l’envie de frotter l’archet du petit garçon sur sa lyre : « Mon amour, fais-moi de grâce une grâce », et le pendard de Frère lui dit : « Je veux bien. Que demandes-tu ? » — « Je veux, dit-elle, râper ce fromage avec ma râpe, à condition que tu mettes ta baguette dans le tambour de ton fils spirituel. Et si le plaisir te plaît, nous donnerons l’élan aux montures, sinon nous essayerons tant de manières qu’une ou l’autre sera de notre goût. » Et pendant ce temps la main de fra Galasso avait amené les voiles de l’esquif du garçonnet. Madame s’en étant aperçue se mit sur le séant, ouvrit la cage toute grande dans laquelle elle introduisit le rossignol, et tira sur elle tout le faix, au grand contentement de chacun. Et je puis t’affirmer que c’était un vrai crève-cœur de la voir là, ayant sur la panse une aussi grande mappemonde qui la foulait comme est foulée chez le foulon une pièce de drap. À la fin, elle se déchargea de son fardeau et ils laissèrent leur arbalète, et le jeu fini, je ne pourrais pas te dire le vin qu’ils engloutirent et les gâteaux qu’ils dévorèrent.

Antonia. — Comment te pouvais-tu refréner du désir de l’homme, voyant tant de clefs ?

Nanna. — L’eau me venait à la bouche abondamment pendant cet assaut abbatial et comme je tenais encore le poignard de verre…

Antonia. — Je crois que tu le tenais en le flairant souvent, comme on flaire un œillet.

Nanna. — Ah ! ah ! ah ! je te dirai qu’étant en appétit par suite des batailles que j’avais vues, je vidai l’instrument de l’urine froide, et l’ayant rempli de nouveau, je me plaçai dessus assise, et la fève une fois mise dans la cosse, je me la serais volontiers envoyée au Culisée, pour éprouver toute chose, parce qu’autrement nous ne pouvons savoir ce qu’il en arrive pour nous.