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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/78

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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

propres à lui faire transgresser le Carême et rompre le jeûne. Au milieu de ces badinages survenait le mari, un vieux barbon tombé en enfance ; apercevant le portefaix, il menait grand tapage. On aurait dit un paysan qui voit mettre à sac son cerisier, et le portefaix s’écriait : « Messer, ô Messer ! Ah ! ah ! ah ! » avec les rires, les gestes et les façons d’un nigaud : « Va-t’en, adieu ! disait le vieux, ivrogne ! âne ! » Et, s’étant laissé déchausser par la servante, il contait à sa femme je ne sais quoi, du Sophi et du Turc, et forçait tout le monde à se compisser de rire, lorsque, débouclant les courroies avec lesquelles il se sanglait, il faisait serment de ne plus jamais manger d’aliments venteux. Il se laissait mettre au lit, dormait, ronflait. Alors le susdit revenait sous la forme du portefaix, et pleurnichait et riait si bien avec la Madonna qu’il finissait par lui secouer le pelisson.

Antonia. — Ah ! ah ! ah !

Nanna. — Tu aurais bien ri toi-même d’entendre leurs débats et tout le remue-ménage, entrecoupé par le portefaix de polissonneries qui s’ajustaient au mieux avec celles de Madonna. Refais-le-moi-le !

Le chant de ces vêpres fini, nous revenons dans la salle où était une estrade pour ceux qui devaient jouer la comédie. Le rideau allait se lever, quand je ne sais qui heurta violemment la porte ; le bruit des voix n’aurait pas permis de l’entendre s’il avait frappé moins fort. Et, laissant là le rideau, on ouvrit au Bachelier, car c’était bien le Bachelier qui, passant là par hasard, avait heurté la porte, ne sachant pas que je lui fusse infidèle. Il entre et me voit faire des mamours avec l’Étudiant. Poussé par cette maudite frénésie qui les aveugle tous ; avec la rage de ce mâtin qui avait tué la petite chienne (comme le raconte l’historiette de ce Frère), il me prend par les cheveux, me traîne par la salle, et puis me fait dégringoler les escaliers sans se soucier des supplications que chacun fait pour moi (sauf l’Étudiant qui, dès qu’il vit le Bachelier, disparut comme une fusée de girande au feu d’artifice). Celui-ci me reconduisit, toujours en me battant, au Monastère ; là, en présence de toutes les Sœurs, il me