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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/94

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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

à qui veux-tu que nous fassions du bien, si ce n’est à notre propre chair ? » Le mari approuva et remercia sa femme en disant : « Il y a bien longtemps déjà, j’ouvrais la bouche pour te le dire, mais j’hésitais dans la crainte que cela ne te déplût. Maintenant que je connais tes intentions, je vais me rendre, sitôt levé, chez la pauvre petite, pour lui annoncer la bonne nouvelle, et j’amènerai l’enfant chez toi ; tout ceci est à toi, puisque c’est ta dot. » — « Autant à toi qu’à moi », répliqua-t-elle. Le jour parut ; le mari se leva (c’étaient des cornes pour lui-même qu’il allait chercher) ; sa sœur lui céda le petit neveu avec grand plaisir, et il le conduisit à sa femme, qui lui fit excellent accueil. Deux jours après, comme elle était à table et causait avec son mari, le repas achevé, elle se mit à dire : « Je voudrais bien que nous fissions enseigner quelque chose à notre Luigetto » (ainsi se nommait l’enfant). — « Qui pourrait s’en charger ? » demanda-t-il. — « Tu sais bien, fit-elle ; ce Maître qui, à la façon dont je le vois tourner par la ville, doit chercher quelque place. » — « Quel Maître ? » — « Celui qui porte cette souquenille qui ne lui tient pas sur les épaules. » — « Eh ! serait-ce celui qui vient à la messe ?… » (il allait dire à telle église). — « Oui, oui, fit-elle, celui-là même ; je ne sais plus qui prétend qu’il est savant comme une chronique. » — « C’est très bien », répliqua le mari. Il sortit pour le rencontrer et le soir même introduisit le coq dans le poulailler. Le lendemain, le Maître alla chercher son bagage, contenant deux chemises, quatre mouchoirs, trois livres, avec leurs couvertures de table, et revint à la chambre que lui avait fait préparer la patronne.

Antonia. — Quelle intrigue va sortir de tout cela ?

Nanna. — Tiens-toi tranquille et écoute. Dans la soirée, Madonna prit la main de son neveu, qui, sous prétexte d’apprendre le psautier, était destiné à servir d’entremetteur à la tante, et appela le Pédagogue. Ce soir-là, je soupais avec elle et j’entendis qu’elle lui disait : « Maître, vous n’aurez ici autre chose à faire qu’à me bien endoctriner ce garçon, qui est plus que mon fils (ce disant, elle lui appliqua deux baisers sur la bouche) ; puis laissez-moi faire, pour ce qui re-