Page:Léo - Jean le sot.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

elle l’aura fait exprès pour faire voir que je ne l’avais pas soignée. Les bêtes ont quelquefois bien de la méchanceté !

— Que faire ? se demanda-t-il ensuite. Une bête morte ne peut plus couver, c’est clair. Et que va dire ma femme en arrivant, quand elle trouvera les œufs refroidis et la couvée perdue ? Allons, je vais montrer encore une fois ma bonne volonté, et si l’on n’est pas content, c’est qu’on ne voudra pas l’être.

Alors, il se mit à la place de la dinde sur les œufs, et attendit ainsi le retour de sa femme. Elle vint, inquièle, regardant tout autour d’elle s’il ne s’était fait aucun dégât. Tout d’abord, en entrant dans le poulail- ler, elle ne vit pas Jean, le lieu étant som- bre ; mais il se mit, contrefaisant la dinde, à glousser.

— Jesus Dieu ! s’écria-t-elle, qu’est ceci ? Serait-il devenu bète entièrement ?

— Ne vois-tu pas, dit Jean, que je couve ?

Et il recommençait de glousser.

La femme le prit par le bras et le fit lever, et l’on peut juger de l’état de la couvée, sans parler de celui du pantalon. Pour le coup, cette femme, ahurie, jela les hauts cris, disant qu’on l’avait trompée, en lui donnant une bête pour un homme, qu’elle voulait plaider en séparation. Les voisins de rire, et le pauvre Jean de sanglotter, se disant que c’était fini, qu’il avait beau faire, et que le sort serait toujours contre lui.

Il devint dès lors tout à fait triste et quelquefois, travaillant aux champs, ou bien assis à sa porte, il se parlait à lui-même et poussait de grands soupirs.

Toutes les fois qu’il voyait la lune, ce que lui avait dit le docteur lui revenait à l’esprit, et quand elle semblait glisser lentement