Page:Léo - Les Désirs de Marinette.djvu/19

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occupa point. Après avoir acheté de son patron le bois nécessaire, il fit lui-même les cadres de la porte et de la fenêtre et tailla les poutrelles qui, simplement posées sur le mur, devaient supporter le toit.

Tout ce travail, qui dura près de quatre mois, il ne put le faire sans que le voisinage s’en aperçût. Les quolibets ne lui manquèrent pas, et non plus les doléances de sa mère. Mais Marinette fut si troublée du courage de son fiancé, qu’elle brava le qu’en dira-t-on pour venir l’aider autant qu’elle pouvait. Elle apportait les pierres et le sable dans un panier, et c’était le goujat le plus gentil qu’on eût jamais vu : quelquefois même elle saisissait la truelle à son tour.

Quand la maison fut achevée, à la fin d’octobre, Joseph, sans se reposer, traça le jardin, y planta des arbres, sema les graines qui devaient passer l’hiver. Ils vivaient là par avance et regardaient cette cabane bâtie de leurs propres mains avec un sentiment d’orgueil et de joie que ne comprendra jamais le propriétaire d’aucun palais. C’est qu’ils faisaient œuvre humaine : ils créaient. Ils avaient devant eux un but, leur propre bonheur ; et le bonheur humain se composant d’efforts et de conquête, ils en jouissaient d’avance, non-seulement d’avance et tout entier par la pensée, mais aussi brin à brin en réalité. Ils avaient à la fois l’avenir et le présent, la satisfaction et le désir, possession complète.

Je ne sais quel fondateur ou quel conquérant fut plus heureux qu’eux ; il ne le fut