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UN DIVORCE

sés dans ces champs, dans cette maison, où elle avait grandi sous la chaleur d’une tendresse invisible, mais constante ; sans transports, mais sans oublis !

C’était un jour d’octobre, pur et silencieux, largement éclairé de cette lumière aux tons jaunes qui colore en automne les feuilles et les pampres. La prairie, parsemée de crocus, au loin paraissait toute violette. Des feuilles de peuplier déjà tombées couraient çà et là. On allait bientôt faire les vendanges, et l’on voyait, en passant le long des vignes, des grappes aux grains transparents qui se gonflaient au soleil.

Les parents de Claire accoururent au-devant d’elle et lui firent fête à l’envi. Pendant tout le jour, par leurs soins, leurs prévenances et leurs caresses, ils lui témoignèrent le bonheur qu’ils éprouvaient de la posséder au milieu d’eux. Mais elle, tout entière à un autre sentiment, trouvait les heures longues et attendait celle du départ. Elle eut peine à cacher son impatience quand son père la retarda sous divers prétextes, et la douce conversation de sa sœur, qui vint l’accompagner jusqu’au bout de l’avenue, la fatigua. Lorsqu’elle fut seule enfin, un soupir de soulagement sortit de sa poitrine ; elle regarda sa montre et se mit presque à courir. Il était six heures et demie ; Ferdinand serait de retour avant elle à la maison !

Peut-être n’y avait-il pas à cela grand inconvénient. M. Desfayes se faisait si souvent attendre, qu’il eût bien pu attendre Claire à son tour ; mais la jeune femme n’en jugeait pas ainsi, car elle se hâtait de plus en plus, malgré sa fatigue. À la voir passer ainsi, haletante, les joues empourprées, le front perlé de sueur, avec ces regards ardents qui devancent le but, et ce pas emporté, on eût cru à de graves motifs de hâte. Il n’y avait en elle pour-