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UN DIVORCE

gences de la vie publique, ajouta-t-il en haussant les épaules avec humeur.

— C’est que je ne les connais pas, dit Claire doucement. Puis, craignant de l’avoir fâché et se rappelant tous les reproches qu’elle s’était faits à elle-même pour avoir douté de lui, elle lui jeta ses bras autour du cou :

— Eh bien ! je ne demande plus à être heureuse ; aime-moi bien seulement, aime-moi bien, cela me consolera ! Je ne veux pas te tourmenter.

— C’est cela ! tu es charmante, tu es bonne, ma Claire. Tu as vraiment bien raison, et tu obtiendras ainsi de moi beaucoup plus que tu ne ferais autrement. Tu verras ; je reviendrai de bonne heure ; on s’embrassera tout à son aise alors. Oui, sois gentille, gaie, raisonnable, je t’aimerai beaucoup ainsi.

— Alors, dit-elle en tremblant, tu sortiras tous les soirs ?

— C’est stupide, mais il le faut. Mes amis me reprochent que je néglige mes affaires, qu’on ne me voit plus, et ils ont raison. Un homme absent est un homme oublié. Tu sais que c’est ici l’habitude de tout le monde d’aller respirer un peu le soir au café, après le travail de la journée. Cela délasse et rafraîchit les idées. On se retrouve là tous, et l’on cause, et c’est de cette manière que les affaires s’emmanchent. Dubreuil et moi, vois-tu, nous spéculons à l’occasion. C’est aussi l’heure où les gens, débarrassés de leur fardeau, sont d’humeur plus ouverte et de volonté plus facile. Hein ! À quoi penses-tu ?

— Oh ! rien ; je trouve drôle qu’on ait l’air ainsi de vouloir se surprendre les uns les autres.

— Peuh ! voilà bien des scrupules de femme ! Eh bien ! le monde est comme ça ; que veux-tu ? Allons, ne