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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/120

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UN DIVORCE

— Ce n’est rien, disait Claire en appuyant sa tête sur l’épaule de sa sœur, ce n’est rien.

Elle avait les yeux brillants, les joues vives, mais semblait tout éperdue ; un voile limpide était sur ses yeux, et ses mains tremblaient.

— Quand je la vois ainsi ! reprit la mère, elle qui était si forte autrefois, je crois toujours, moi, qu’elle a du chagrin, et qu’il y a quelque chose qu’elle ne veut pas dire.

— Non, maman, non, je t’assure ; je ne sais pas moi-même ce que j’ai ; depuis quelques jours, je me sens tout extraordinaire.

En disant cela, ses cils noirs s’abaissaient sur ses joues, et sa jolie bouche se contractait comme si elle allait pleurer.

— Il faudrait peut-être consulter le médecin, dit Anna ; voyons, qu’éprouves-tu ?

Madame Grandvaux plia son tricot et se mit à écouter attentivement, les yeux attachés sur sa fille aînée. Mathilde, préoccupée, les avait quittées déjà.

La jeune femme répondit en cherchant un peu.

— Je ne sais comment exprimer cela, c’est un trouble étrange, un saisissement sans cause ; ma tête n’est pas forte, quelquefois mes jambes vacillent, et il me faut m’asseoir, de peur de tomber. Puis, les moindres choses me donnent envie de pleurer, les choses mêmes qui ne sont pas tristes : par exemple, en venant ici, j’ai trouvé la campagne plus belle que je ne l’ai jamais vue ; cette lumière, ces feuilles jaunies, ce grand ciel bleu… Mon cœur battait à m’étouffer, et j’étais émue !… Alors, un instant après, j’ai rencontré un… petit enfant…

Elle voulut continuer, mais fondit en larmes, et se cachant le visage dans ses mains, balbutia en sanglotant