Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
UN DIVORCE

nier goût de Lausanne, et fort gaie, causait avec Anna, qui lui donnait la réplique, mais sans beaucoup l’écouter ; car le doux visage de la jeune fille, encadré par les dentelles et les rubans roses de son chapeau, se tournait sans cesse vers le paysage, et le sourire rêveur qu’elle avait aux lèvres s’adressait aux belles rives du lac bien plus qu’au babillage de Fanny.

M. Desfayes et M. Renaud fumaient, causant par bouffées, tandis que Claire, enfoncée dans la voiture, gardait sa langueur inquiète, et ne rompait le silence que pour répliquer brièvement lorsqu’on lui parlait. On rencontrait sur la route d’autres voitures et des gens à pied, et de temps en temps passait quelque char rempli de filles endimanchées et de jeunes soldats, où souvent, faute de place, on se tenait debout, les bras enlacés, riant à cœur-joie. Tout ce monde se rendait à la fête militaire de Cully, petite ville voisine de Lausanne.

L’air était chaud et le ciel bleu. Les buissons étincelaient de rosée. Marguerites, violettes et primevères tapissaient les marges des fossés.

Dans sa plus grande partie, la route côtoie le lac, et, tandis que la rive vaudoise se déroule dans tous ses détails, baies sablonneuses, rochers, vignobles, maisonnettes ou villas, en face, la côte de Savoie présente par grandes masses, au loin, ses bois rougissants, ses gorges profondes et ses blancs villages, les uns perchés sur la croupe des hautes collines ou nichés dans des coupures de torrents, d’autres couchés au raz de l’eau. Tout ce paysage apparaissait double, réfléchi dans l’eau avec une fidélité si scrupuleuse, que les moindres détails étaient retracés. Une moitié du lac en était assombrie, l’autre étincelait comme un prisme.

On arriva bientôt au pied du mont qui domine Cully,