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UN DIVORCE

de Claire, prononcé avec angoisse à son oreille, ni aucune exhortation ne purent interrompre les ronflements de M. Grandvaux. Dans quel coin de son être la matière avait-elle resserré l’âme, qu’on eût dit envolée ? Anna prit le parti d’attacher les rênes au siége et de sauter à terre. Prenant alors la bride de Charlotte, elle espérait la faire marcher ainsi ; mais Charlotte détourna la tête et recula.

— Charlotte, dit Anna, s’adressant à la jument, et lui frappant le cou de la main, Charlotte, vous n’êtes pourtant pas une bête méchante. Un peu de courage, Charlotte, allons !

Un hennissement plein d’intonations fut la réponse de Charlotte. Évidemment elle avait de bonnes raisons ; en conséquence desquelles elle s’obstina à ne pas bouger.

— Si j’y voyais seulement, dit la pauvre enfant, qui se mit alors à palper les harnais, pour tâcher de deviner par le toucher d’où venait le mal.

Elle n’y réussit point et se désespérait, quand un bruit net, vif et régulier, comme l’action d’une cause active et intelligente qui suit sa route, frappa son oreille et se rapprocha de plus en plus.

— Voici quelqu’un ! s’écria-t-elle.

Claire ne répondit pas. Elle écoutait. Si c’était Ferdinand ? Mais quand, à la mesure des pas, elle eût reconnu que ce n’était pas lui, elle laissa retomber la tête sur sa poitrine et n’écouta plus.

L’homme, arrivé en face du char immobile, s’arrêta.

— Qui est là ? demanda-t-il.

— C’est nous, monsieur Camille, répondit Anna joyeuse, le reconnaissant à la voix.

Grâce aux allumettes dont Camille, en qualité de fumeur, était pourvu, on découvrit le vice de l’arrangement